40 ans d’Espoir à Colmar : Culture et solidarité

C’est par une présence culturelle que nous souhaiterions fêter nos quarante ans de solidarité à Colmar et sa proche région. Parce que nous sommes convaincus de l’importance de la culture dans le renforcement du lien social. Surtout en ce temps de crise où la part culturellelogoespoir01 prend tout son sens parce qu’elle permet de lutter, elle aussi, contre l’exclusion et contribue à la réhabilitation de la personne. Nous savons par expérience que trop de gens, à Espoir et ailleurs, n’ont pas accès aux biens artistiques et culturels qui devraient pourtant être notre héritage commun, une richesse à partager.

Qu’est-ce la culture sinon une porte et un pont : Tür und Brücke ? Quelque chose qui nous entraîne vers le haut, l’accès à un bien supérieur, un enrichissement personnel, l’éveil de tous nos sens, l’ouverture aux autres. Elle intègre parfaitement les préoccupations d’Espoir et pourrait naturellement prolonger notre charte qui « reconnait en tout homme un être capable d’aimer et digne d’être aimé ». « Faire surgir l’amour à la place du jugement et de la répression » est un geste éminemment culturel.

Alors Espoir, une association culturelle de plus ? Non, nous n’avons aucune vocation à nous substituer aux acteurs et institutions culturelles existantes. Nous n’avons pas la prétention de les remplacer. Nous avons horreur d’une culture qui soit « instrumentalisée » devenant une force supplétive, selon les modes et les ressources financières, des politiques de communication, de développement économique, d’action touristique voire même de justification sociale. Quand rien ne va plus, faisons appel à elle. Elle a peut-être une idée, elle va peut être nous dépanner. C’est la mépriser et la réduire, c’est nier ce qu’elle a de profondément irréductible : une liberté absolue de création, de critique et même de subversion. Qu’elle dérange et alors ? Die Gedanken sind frei, wer kann sie erraten ?  Les pensées sont libres, qui peut les deviner ?

Si la culture est une aspiration à nous élever, elle est aussi une vocation, et pour parler, clairement, un métier.  Oui, il y a des gens qui en vivent et de plus en plus chichement en ces temps de crise. Des gens qui depuis toujours se battent pour la reconnaissance de leur « art ». Excommuniés autrefois, au temps de Molière encore, souvent laissés pour compte aujourd’hui. Toujours marginalisés ! Parce que jugés non productifs dans une société qui a érigé la rentabilité comme valeur suprême. « Vous servez à quoi » ? Y-a-t-il terme plus condescendant pour les désigner que celui d’ « intermittent du spectacle » ?

Ceci rappelé, à chacun son histoire, à chacun sa spécialité ! Ce qui n’empêche ni les rencontres, ni les regards croisés, ni les solidarités. Ni d’explorer ces espaces intermédiaires où le social rencontre le culturel. Nous serions totalement en dehors de notre rôle si nous n’affirmions pas, fidèle à notre charte, la nécessité d’amener le plus large nombre de personne à ce bien capital, à ce patrimoine commun qu’est la culture. Si nous ne nous préoccupions pas d’une offre culturelle qui se soucie aussi de ceux qui en sont les plus éloignés. Et si on reparlait de « démocratisation culturelle », pour reprendre un terme aujourd’hui « ringardisé » parce qu’il nous renvoie à des décennies d’échec en la matière ? Voilà une notion bien enterrée. Fâcherait-elle encore ?

Car la culture se décline aussi avec la santé, avec le handicap, avec les marginalités, avec la justice, l’éducation populaire et plus généralement avec le « vivre ensemble » dont il convient de faire autre chose qu’une belle expression ou une incantation.

Elle nous invite d’abord à changer de regard sur la culture des autres, de ceux qui sont venus de loin, étrangers d’origine ou gens du voyage, membres aujourd’hui, et pour certains depuis toujours, de notre communauté de vie. Leur patrimoine et bien culturels valent la nôtre. Mais qu’en connaissons-nous ? L’histoire de l’humanité ne s’arrête pas aux seules portes de l’Occident ni à celle des villes et villages alsaciens. Pas davantage aux populations sédentaires. Il nous faut aider à les valoriser. Mais peut-être faudrait-il au préalable consentir à les découvrir ?

Elle nous conduit ensuite à reconnaitre la citoyenneté et l’identité de chacun et l’apport de tous à notre culture nationale. Ce qui fait qu’au bout du compte la culture d’un pays est une somme de valeurs ajoutées par une multitude d’origines diverses

Il ne s’agit pour autant de succomber aux facilités du syncrétisme ou du mille-feuille culturel en reniant ce qui constitue le socle de nos valeurs propres : les droits de l’hommes, la laïcité, la lutte contre l’exclusion et la reconnaissance des minorités ! Mais la nécessaire vigilance, l’intransigeance même sur quelques valeurs essentielles ne nous dispense pas de continuer à prévenir le rejet, à lutter contre la discrimination, l’intolérance et le racisme.

Les personnes en situation de précarité et d’exclusion, minorités migrantes, réfugiés et demandeurs d’asile doivent pouvoir accéder à l’art et la culture française, rhénane et européenne, puisque, que diable, nous vivons en Alsace. Pour eux aussi et surtout l’éducation artistique et culturelle est une nécessité que nous devons encourager et favoriser. Comment ? En en les aidant à fréquenter nos lieux de formation et de diffusion culturelle et en stimulant la création artistique de chacun d’entre eux.

C’est pas du luxe ! C’est ainsi que se dénomme le Festival culturel de l’abbé Pierre.  C’est pas du luxe, c’est aussi notre conviction à Espoir. C’est une simple évidence hélas pas si évidente que cela en temps de crise, de repli de soi, et de frilosité économique et culturelle.

Espoir a toute sa place dans un débat culturel qui s’interroge sur la place de l’homme dans une culture marchande soumise aux injonctions et à la tyrannie de ce que l’on nomme aujourd’hui, l’industrie culturelle. Soit une production de masse, technologique et despotique, qui fixe les règles, les modes et les comportements et fait de nous des consommateurs passifs d’une culture bling-bling, aseptisée, politiquement correcte et tout à fait abrutissante. Si l’homme de 50 ans qui n’a pas sa rollex est un raté que dire du gamin de 20 ans qui n’a pas la dernière version d’I Phone ?  La honte, le bouffon !

Nous avons choisi délibérément la culture pour nos 40 ans. Avec tout au long de l’année, quelques rendez-vous festifs et militants que nous vous proposons avec des artistes qui partagent nos valeurs et notre engagement. Nulle intention de notre part de récupérer quoi que ce soit mais l’intime et ferme conviction que des passerelles existent et se vivent au quotidien. Et que la culture produit du sens, de l’échange et de la solidarité.

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