Soyez le bienvenu au château du Hohlandsbourg. Vous êtes situés à l’ouest de Colmar à 620 m d’altitude sur un éperon qui domine la plaine d’Alsace et l’entrée de la vallée de Munster. Le promontoire offre une vue panoramique à 360° sur la plaine d’Alsace, les Vosges, la Forêt Noire et les Alpes bernoises, visibles par temps clair. A site exceptionnel, une occupation précoce. L’homme a occupé le terrain des la fin de l’âge de bronze, soit à une époque allant de 1200 à 700 ans avant J.C. En font foi, le résultat des fouilles archéologiques entreprises à partir de 1966 qui ont révélé les vestiges d’un mur d’enceinte, de nombreux tessons de céramique, des objets en bronze, des traces de poteaux ayant servi à la construction d’habitations. Aux temps préhistoriques, plus précisément protohistoriques, nous avons trace d’une agglomération dont les habitants se livraient à l’élevage et menaient un début de vie sociale et économique organisée.
Pour ce site singulier, nous possédons une double dénomination : Landsberg, la montagne du pays ou Landsburg, le château du pays. La première mention en 1279, dans les Annales des Dominicains de Colmar retient la forme de Landisperg. Suivront et alterneront pendant deux siècles les Landspurg, Landesperg, Landspurg et Landsperg. Au XVIe siècle, pour bien signifier que le château est en altitude, on ajoutera l’adjectif Hoh ou Hoch : Hohenlandsberg. Quand, en 1568, l’empereur Maximilien II éleva son fidèle homme de guerre, Lazare de Schwendi au rang de baron d’Empire, il lui conféra le titre de Freiherr zu Landsberg. Mais face à l’insistance du récipiendaire, il commuera le titre en Freiherr zu Hohenlandsberg. Durant le Reichsland, entre 1971 et 1918, la notion de Burg prédomine de nouveau. C’est l’époque de la restauration de la Hohkoenigsburg, cher à l’empereur Guillaume II. Le Hohlandsburg fut francisé après 1918 en Hohlandsbourg ou berg, appellation plus régionaliste avant que le syndicat intercommunal qui gère l’édifice aujourd’hui n’opte pour le Hohlandsbourg, autrement dit le château est plus vendeur que l’éperon.
Le Hohlandsbourg est en Alsace un héritage des Habsbourg, cette grande dynastie, originaire du N.O. de la Suisse qui régna sur l’Allemagne par Rodolphe de Habsourg à partir de 1273 puis par son fils Albert I avant son assassinat en 1308 où la famille perdit le trône allemand. On sait qu’ils reviendront au pouvoir en 1438 pour garder le trône du Saint-Empire-Romain-Germanique jusqu’en 1806. Le château a été construit à partir de 1279 par Siegfried de Gundolsheim, prévôt de Colmar et devient dès 1281 propriété patrimoniale des Habsbourg avant d’être donné en gage à des familles nobles, à la fois créanciers de la maison d’Autriche et alliés fidèles. Les Ribeaupierre le reçurent en gage avant qu’il ne soit cédé en fief, en quasi propriété donc, à un vassal du suzerain, le comte de Lupfen dont les descendants gardèrent le château durant un siècle et demi avant qu’il ne soit vendu, en 1562, à Lazare de Schwendi, général en chef de l’armée impériale qui avait accédé à la gloire militaire en affrontant en Hongrie, en 1564, l’armée turque de Soliman le magnifique.
La guerre de Trente ans signa la fin glorieuse de l’édifice quand, tombé aux mains des Suédois, il fut démoli. La seigneurie, en l’occurrence, une baronnie, et ses ruines furent alors donnés par le Roi de France, qui avait pris possession d’une partie de l’Alsace à l’issue des traités de Westphalie en 1648, au baron d’Erlach, en 1649, puis en 1681 au baron de Montclar, commandant en chef des troupes françaises en Alsace. La ville de Colmar en hérita en 1714. Le château devint bien national en 1793, propriété privée en 1821 avant d’être classé monument historique en 1840. La Société pour la Conservation des MH d’Alsace fit déblayer, en 1862, la cour et consolida les murs. Pendant la première guerre mondiale, l’armée impériale y installa un observatoire. L’armée française fit de même en 1939-40 en l’orientant vers le Rhin. La Wehrmacht récidiva à la fin de la guerre en orientant le poste d’observation vers le champ de bataille de la poche de Colmar.
En 1985 et 1990, en deux phases successives, le département du Haut-Rhin acquit l’ensemble. Ouvert au public en 1986, le château est l’objet d’une mise en valeur progressive depuis lors visant non pas à reconstruire un château idéal mais à consolider les maçonneries en déshérence et à reconstituer sur la base de données archéologiques irréfutables, certains bâtiments en vue de leur affectation ultérieure à des fins culturels, pédagogiques et touristiques. Une voie médiane entre konservieren et restaurieren dont le château du Haut-Koenigsbourg est le contre-exemple.
Comme vous pouvez le constater, le Hohlandsbourg est un des monuments médiévaux les plus importants d’Alsace. L’enceinte délimite un espace rectangulaire d’environ 100/60 m. Ce qui frappe le visiteur, c’est la vaste cour basse entourée par l’imposante muraille dont il est désormais possible de parcourir le chemin de ronde. Elle a été construite à la fin du XIIIe s. Après la prise de l’Oberschloss, le noyau fortifié primitif. Les courtines comptent plus de 30 archères ouvertes dans l’épaisseur de la maçonnerie, chacune comportant une vaste chambre de tir propre à accueillir confortablement l’archer ou l’arbalétrier appelé à la défense du château. L’épaisseur moyenne de l’enceinte est de 2 m. Sa hauteur après reconstruction partielle est de 12 m en moyenne. Le château a été implanté sur un éperon rocheux granitique dont les constructeurs ont habilement su tirer parti en concevant le système défensif. Les trois bâtiments dans le coté est de la basse-cour, coiffés d’un toit en appentis ,s’appuient sur le mur d’enceinte. Le 2 et le 3 e ont servi de logements aux comtes de Lupfen ( XV°) et au baron Lazare de Schwendi qui reste la personnalité la plus connue ayant habitée le château.
Né en 1522 à Mittelbiberach dans le Wurtemberg du sud, il avait fait d’utiles et profitables études à Bâle et à Strasbourg. Il parle, outre sa langue maternelle, le latin et le français. Il entre au service de Charles-Quint en tant qu’homme de guerre et colonel de l’armée impériale. L’empereur le nommera chevalier et conseiller impérial en reconnaissance de son dévouement. Lazare de Schwendi servira, avec une égale fidélité, Philippe II et Ferdinand I er, participera à la campagne de France – contre le roi Henri II et connaîtra son moment de gloire sous Maximilien II qui en fit son commandant en chef de l’armée impériale fortement engagée contre les Ottomans de Soliman le magnifique. Marié à une strasbourgeoise, Anne de Boecklinsau, Schwendi, qui contrairement à une légende tardive et insistante n’a pas introduit le cépage du Tokay en Alsace, gèrera avec soin ses domaines dans le Brisgau et en Alsace, le château de Hohlandsbourg et celui de Kientzeim, non loin de Kaysersberg, où il réside le plus souvent. Ce catholique, qui avait épousé une luthérienne en seconde noce, pratiqua une tolérance active dans sa seigneurie. Usé par sa vie de soldat, il décède à 61 ans en 1583. Inhumé dans l’église de Kientzheim, il a souhaité que soit érigé près de sa tombe un monument funéraire le représentant revêtu de son armure. Le bas-relief qui figure en grandeur nature l’ancien général en chef de l’armée impériale et seigneur de Hohlandsbourg est toujours visible.
Autre curiosité que je porte à la connaissance des nombreux Sélestadiens présents, le château abrita au XIVe siècle, l’érudit rabbin Samuel Schlettstadt, probablement originaire de notre cité, qui dirigeait à Strasbourg une école talmudique réputée. Il rédigea, ici même, vers 1370-1375 un abrégé du volumineux Talmud, appelé le petit Mardochée. En proie à des persécutions à Strasbourg, il avait trouvé dans la seigneurie du Hohlandsberg , terre habsbourgeoise, sécurité et asile. La protection des Juifs fut, en effet, une constante de la politique des Habsbourg.
Tels sont, chers amis, les riches heures et les attachantes personnalités qui ont marqué l’histoire d’un site exceptionnel et d’un château original qui ne ressemble pas tout à fait aux nombreux châteaux alsaciens que nous connaissons par ailleurs. On le voit de loin et notamment de Colmar qu’il était censé surveiller à l’origine. Comme vous le savez maintenant, son nom reste attaché à la personnalité éclairée de Lazare de Schwendi, homme de guerre mais aussi de lettres, ce qui le rend d’emblée sympathique aux Sélestadiens, attachés depuis le Moyen-Âge au rayonnement de l’esprit plutôt qu’à la force des armes.
L’histoire de ce château eût été incomplète s’il n’avait pas accueilli, un soir de septembre 2014, le très illustre Rotary de Sélestat dont vous connaissez les immenses mérites avant de découvrir, dans très peu de temps, sous la conduite éclairée de maitre Blaise, sa très vivante et édifiante chronique. Il appartient à la grandeur et de l’édifice et de notre institution d’avoir pu enfin se rencontrer. Pour la plus grande gloire de chacune des parties. Le Hohlandsbourg est un décor digne de notre jubilé. Le Rotary club de Sélestat sera un hôte digne de ce noble château.
Gabriel Braeuner, présentation lors du 60e anniversaire du Rotary de Sélestat, septembre 2014