Dans la biographie d’Erasme, n’en exagérons pas l’importance, n’en minorons pas la portée. Son séjour bâlois, de 1522 à 1529 surtout ne fut pas sans conséquence sur les relations d’Erasme avec les humanistes alsaciens et nos imprimeurs. Mais cette coopération existait bien avant. La première édition de l’Eloge de la Folie vit le jour chez l’imprimeur strasbourgeois, originaire de Sélestat, Matthias Schüreren 1511. Qui n’a entendu parler de son fastueux accueil en aout 1514 par la Société littéraire de Strasbourg animée par Jacques Wimpfeling, du banquet au Sturmhof et l’éloge de la constitution de Strasbourg sous forme d’une brillante et très érasmienne lettre de remerciement : « Oh divin Platon, si seulement tu avais la chance de connaitre un tel régime, ici, en effet, il aurait été possible d’introduire ton Etat idéal…» Qui ne connait le sublime éloge qu’il rendit à Colmar à Sélestat, l’année suivante, en 1515…Et pourtant parmi toutes les cités qui fleurissent dans l’Empire, aucune n’est plus prospère que toi… ce qui t’es vraiment propre, c’est que , toi si petite, tu donnes le jour à d’autant hommes de qualité et de génie…» Il est vrai que beaucoup de proches d’Erasme étaient Sélestadiens: Wimpfeling, Beatus Rhenanus, son alter ego et principal collaborateur à Bâle, Sapidus, le dernier brillant directeur de l’Ecole latine de Sélestat, Martin Bucer le grand réformateur, ancien élève de l’Ecole latine et frère dominicain et Paul Voltz, bénédictin et abbé de Honcourt, à proximité. Mais plus encore que les amis, c’est l’ensemble des imprimeurs alsaciens qui contribuèrent puissamment à la diffusion de ses écrits. Au total des presses alsaciennes sortirent 191 oeuvres érasmiennes dont beaucoup proviennent des officines strasbourgeoises de Mathias Schurer et de son successeur Jean Knobloch. Erasme ce grand précurseur de la Réforme qui ne sauta pas le pas mais contribua « à pondre l’oeuf couvé par un moine allemand » vit beaucoup de ses amis alsaciens, de Bucer à Voltz, rejoindre la rive luthérienne, à l’exception de Beatus Rhenanus qui resta fidèle à son maître. Si avec l’introduction de la Réforme en Alsace, son influence s’estompe, elle ne disparait pas. Hédion et Capiton, les réformateurs strasbourgeois, le traduisaient encore en 1533 et 1534, peu de temps avant sa mort survenue le 11 juillet 1536.
Sources : Francis Rapp, NDBA, 827-828
Erasme, l’Alsace et son temps, Publication de la Société savante d’Alsace et des régions de l’Est, VIII, Strasbourg 1971
Gabriel Braeuner, 2015, note complémentaire au texte de conférence » Que nous dit Erasme aujourd’hui ? publié sur « Histoires d’Alsace »