Il fut « un homme exemplaire » selon Selma Stern qui nous a laissé une biographie qui ne l’était pas moins. Josel de Rosheim ( 1478?-1554 ) est une figure majeure du judaïsme allemand en ce début des temps modernes, si médiévaux pourtant encore par maints aspects. Rien ne le destinait à devenir le Gemeiner Jüdischkeit Regierer im deutschen Land, titre dont seul l’Empereur pouvait se prévaloir alors : Le chef de la nation juive du Saint-Empire. Rien sinon le courage, le culot, une solide éducation juive, une foi ardente nourrie par la prière, la mystique et l’étude des Ecritures. L’exigence éthique comme impératif, soit une ligne directrice forte dont jamais il ne dévia.
Avocat des juifs, dès sa jeunesse, quand en 1507 la communauté le chargea de défendre les juifs d’Obernai, menacés d’expulsion devant l’empereur. Avocat dès lors et toute sa vie pour ceux de Mittelbergheim, où il résida un temps avant de s’établir à Rosheim, de Blienschwiller et de Nothalten, de Dangolsheim, pour les juifs alsaciens d’abord, en péril, pour ceux ceux du Saint-Empire ensuite, de Moravie, de Saxe, de Brandebourg, de Silésie. Toute sa vie sur les chemins, plaidant pour sa nation, contre les accusations d’usure immorale, de meurtres rituels, de profanation d’hostie, devant les plus hautes autorités : magistrat des villes, princes, grands Electeurs, et jusqu’à l’empereur lui-même, jusqu’à Charles Quint avec qui il tissa des liens inattendus, d’estime réciproque, de sympathie, peut-être.
De la longue liste de ses actions, qui sont autant d’épopées, retenons deux dates. Celle de 1520 où Charles Quint le convoque pour « disputer» avec Anton Margarita, auteur d’un pamphlet antisémite dangereux pour tous les juifs de l’empire. Il s’y colle, démonte l’argumentaire et démontre qu’il n’y a pas de haine chez les juifs contre les chrétiens. Il impressionne l‘empereur qui expulse le manipulateur ; celle de 1544, où sur ses instances, Charles Quint accorde aux juifs du Saint-Empire le « grand privilège », la sécurité dans leurs déplacements et dans leur travail, l’assurance de ne pas être arrêtés, torturés, dépouillés, tués, des procès équitables, pas de signe distinctif en dehors de leur résidence. La charte, hélas, en resta au stade des promesses, l’empereur n’avait plus, depuis longtemps les moyens de sa politique. Mais lui Josel avait essayé, avait plaidé, une fois encore la cause de l’empereur auprès des siens, s’était battu contre Luther pour ses écrits contre les juifs, contre les attaques de Bucer aussi, guère plus charitable à leur endroit. Docte et pieux, il aurait préféré, s’il avait pu, « s’éloigner de la vanité du monde et ne s’occuper que des choses de Dieu ». Au lieu de quoi son destin fut de parcourir, pendant quarante ans, les routes dangereuses de l’Europe pour défendre les siens contre la folle rumeur, la violence gratuite, la torture et la mort, sans complaisance aucune pour les compromissions de certains de ses coreligionnaires à qui il sut imposer une éthique rigoureuse.