Les relations de Bucer et de Calvin à Strasbourg (1538-1541)*
Nous sommes au début du mois de septembre 1538. Une certaine effervescence règne dans les milieux luthériens de la ville. Les autorités religieuses, à la tête desquelles Martin Bucer désormais le vrai patron de l’église protestante de Strasbourg, attendent l’arrivée de Jean Calvin. Un (presque) confrère français dont la notoriété leur est connue. Son infortune aussi. N’a-t-il pas été expulsé de Genève où son ami Guillaume Farel l’avait appelé deux ans auparavant pour organiser, avec lui, la nouvelle église évangélique de Genève, passée à la Réformation le 25 mai 1536 ?
Au moment de s’installer à Strasbourg, Calvin ne peut s’empêcher de se remémorer ces deux années genevoises où il avait été, tour à tour, lecteur en Ecriture Sainte puis prédicateur. Deux ans durant, où il avait dû forcer sa nature pour finalement échouer à imposer aux habitants de la cité helvétique sa conception de l’Église. Cette dernière, il l’avait vue indépendante du pouvoir politique et vouée à la discipline. Et voilà qu’avec Guillaume Farel qui l’avait embarqué, un peu contre son gré, dans l’aventure genevoise, il se trouvait à nouveau sur le chemin de l’exil. Le 23 avril 1538, ils avaient été bannis tous les deux de Genève.
Pour se retrouver là, aujourd’hui, en train d’arriver dans la ville impériale et libre de Strasbourg. Où apparemment la Réformation avait mieux réussi qu’à Genève. Où elle était stabilisée depuis quelques années, placée dans les mains, à la fois autoritaires et expertes, de Martin Bucer, ancien frère dominicain, défroqué depuis longtemps, qui s’était progressivement hissé à la tête de l’église luthérienne de Strasbourg. Il avait hâte de le rencontrer. Tout en s’interrogeant sur ce qui lui arrivait.
Strasbourg avait-il vraiment besoin de lui ? Que pouvait-il lui apporter ? Passe encore pour Genève où il fut appelé pour construire une Eglise nouvelle. Mais à Strasbourg, l’essentiel était fait. Bucer et les siens s’en étaient occupés. La messe avait été abolie en 1529. Un synode, réuni en 1533, avait permis de réorganiser l’église locale. L’ordonnance ecclésiastique de 1534 en avait fixé les contours. Deux ans plus tard, en 1536, par la Concorde de Wittenberg, la ville et ses théologiens s’étaient rapprochés de Luther au sujet de la cène, permettant ainsi de refaire l’unité du protestantisme allemand. Sans les Suisses d’ailleurs : Bâle Zurich et Berne avaient refusé de signer. Genève, et pour cause, n’était pas encore dans le coup.
Bizarre ce que le destin réserve. Ou les voies du Seigneur qui sont, comme chacun sait, impénétrables. Mais Strasbourg n’était pas tout à fait étranger à l’histoire de Calvin. Il se souvient de son premier exil quand il quitta la France après l’affaire des placards de 1534 et la terrible répression qui s’en suivit. Il s’était réfugié à Bâle en 1535 pour y faire paraître sa première édition de L’Institution de la religion chrétienne. Celle-ci fut publiée en mars 1536. Il songea alors à s’établir à Strasbourg, oui, Strasbourg déjà, pour y poursuivre « paisiblement » ses études. Cette année-là, revenu furtivement à Paris, et désirant se rendre en Alsace, il en fut empêché par les routes champenoises fermées par la guerre. Il fit un détour par la Suisse, s’arrêta à Genève pour une nuit, y resta deux ans. Guillaume Farel, le réformateur genevois, avait trouvé les arguments pour le retenir.
Etonnante similitude. Deux ans après, Calvin se présente à Strasbourg, convaincu par Bucer de venir rejoindre la communauté strasbourgeoise. Non pas pour « paisiblement » étudier mais pour s’occuper de la paroisse des réfugiés protestants français de plus en plus nombreux dans notre ville mais aussi pour y enseigner. L’année 1538 avait été pédagogiquement heureuse pour Strasbourg. La ville disposait enfin d’un établissement scolaire digne de ce nom. Le gymnase, dû au recteur Jean Sturm, soutenu en l’occurrence par son homonyme Jacques Sturm, le stettmeister strasbourgeois à la large culture humaniste et Martin Bucer. « Le nouvel évêque de Strasbourg » selon l’expression de son ami, le réformateur Jean Capiton, avait utilisé un argument biblique pour convaincre Calvin. Il l’avait titillé en lui demandant de ne pas suivre le chemin de Jonas.
Calvin avant son arrivée à Strasbourg
Mais au fait qui est Jean Calvin ? Qu’a-t-il fait jusque-là pour être autant sollicité. A Genève d’abord, à Strasbourg aujourd’hui ? Il est picard, né le 10 juillet 1509 à Noyon, ville cléricale, dominée par sa belle cathédrale gothique. Son père est procureur ecclésiastique. Il s’occupe plus particulièrement de la gestion des affaires du clergé. Sa position lui permet d’obtenir pour son fils des bénéfices ecclésiastiques dès l’âge de 12 ans. Ce qui lui donne d’emblée les moyens de faire des études.
Il les fera d’abord au collège des Capettes avec les jeunes nobles de la région. Puis continuera à Paris, au collège de la Marche où enseigne Mathurin Cordier, pédagogue accompli, qu’il appellera plus tard à Genève pour fonder un collège. Il se retrouve, toujours à Paris, au collègue Montaigu, haut lieu de la scolastique médiévale tant critiquée : le collège de la pouillerie à entendre Rabelais.
Le jeune Jean s’y révèle étudiant travailleur et assidu. Il y acquiert de solides connaissances de l’antiquité latine et de la patristique. Il découvre saint Augustin et le maître des sentences Pierre Lombard, l’une des références de l’enseignement scolastique depuis le XIIe siècle. Y-a-t-il rencontré Ignace de Loyala qui fréquenta également l’établissement ? Après quatre années de Montaigu, son père le dirige vers le droit. Il l’étudie à Orléans et Bourges où viennent de s’ouvrir quelques universités prometteuses. Il y rencontre l’helléniste Melchior Wolmar, originaire du Wurtemberg. Ce dernier lui enseigne les rudiments du grec. Peut-être l’a-t-il également ouvert aux doctrines de Luther ?
La mort de son père, en 1531, le libère de ses études de droit. Il les avait entrepris par obéissance. L’humanisme lui parle davantage que les propos de Luther. Il s’égara quelques temps du côté de Sénèque sur lequel il publie un essai (1532), avant de choisir la voie de la théologie pour laquelle il se sent davantage attiré. Choix essentiel, probablement à l’origine de sa conversion, datée de 1533. « Par une conversion subite, Dieu dompta et rangea à docilité mon cœur » écrira-t-il plus tard dans son Commentaire des psaumes.
C’est la rupture avec l’église de sa jeunesse qui, sous sa plume, est devenue « un bourbier d’erreurs ». Les événements au sein du royaume de France le confortent dans son attitude. Cette même année, la sœur du Roi, Marguerite de Navarre voit la Sorbonne condamner son ouvrage « Le Miroir de l’âme pécheresse » où elle proclame sa foi dans le christ rédempteur. Son frère François 1er oblige la Sorbonne à désavouer la sentence. Mais les tensions subsistent. A la Toussaint 1533, le recteur de l’université, Nicolas Cop, prononce un discours sur les béatitudes, devant les facultés réunies. C’est une prise de position en faveur de l’évangélisme. Le discours est en réalité rédigé par Calvin qui s’est inspiré d’Erasme et de Luther. Le Parlement ordonne l’arrestation de Cop et de Calvin qui entrent dans la clandestinité. Jean Calvin, connaît alors une retraite forcée et studieuse à Angoulême où, au milieu d’une bibliothèque riche de 4000 volumes, il rédige les premiers chapitres de son Institution de la vie chrétienne.
Il en profite pour voyager discrètement. A Nérac, à la cour de Marguerite de Navarre, à Ferrare, à la cour de sa cousine, Renée de Ferrare. A Bâle aussi, réputée pour la qualité de ses imprimeurs avec lesquels travaillent Erasme et Beatus Rhenanus. Entre temps, a éclaté l’Affaire des placardsquand, dans la nuit du 17 octobre 1534, de petites affiches sont apposées à plusieurs endroits parisiens. Et jusqu’à la porte de la chambre du roi au château d’Amboise. Le contenu en est violent. La messe est vivement attaquée. Le Roi est en colère. Il considère le placardage comme un crime de lèse-majesté.
La situation s’envenime, les évangéliques passent à l’action. La royauté réagit. Des bûchers s’allument. Parmi les victimes, entre autres, Etienne de la Forge, riche marchand et ami de Calvin. Il est temps pour ce dernier de se protéger. Il quitte le royaume pour se rendre à Bâle où il publie son Institution de la Vie Chrétienne (1536). Il envisage de s’installer à Strasbourg pour continuer « paisiblement » ses études. Il se retrouve à Genève ! La suite vous est connue.
Et Bucer avant l’arrivée de Calvin ?
En 1538, Martin Bucer a 47 ans. Soit un âge déjà avancé pour l’homme du Moyen Age. Calvin est son cadet de 19 ans. Une génération les sépare. L’un a encore tout à démontrer, l’autre est davantage préoccupé à consolider son œuvre déjà immense. C’est que Bucer s’est solidement inscrit dans le paysage strasbourgeois. Et à l’extérieur aussi. Bâtisseur infatigable du protestantisme allemand, on le rencontre autant sur les routes germaniques à la recherche de difficiles arbitrages qu’à la tête de l’église de Strasbourg.
Il est loin le temps où il a frappé aux portes de la ville et trouvé refuge auprès de son père. Banni et poursuivi après ses tribulations et prédications wissembourgeoises auprès du curé Henri Motherer. C’était il y a quinze ans déjà. Un autre temps. Dans le sillage de Mathieu Zell, prédicateur de la cathédrale, il était devenu l’efficace prédicateur de la paroisse Sainte-Aurélie. Il avait donné des cours bibliques à un public de plus en plus nombreux, traduit Luther, commenté l’apôtre Paul ou l’évangile de Jean. Sans oublier de devenir bourgeois de la ville de Strasbourg comme son père (1524).
Bucer avait, pendant ces années, contribué à installer définitivement la religion évangélique à Strasbourg. Il s’était coltiné les anabaptistes particulièrement nombreux en ville, venus de Zurich, Nuremberg et Augsbourg. Dès 1525, il apparaît sur la scène allemande dans la querelle sacramentaire qui va empoisonner les relations entre les différentes communautés protestantes d’Allemagne et de Suisse pendant une dizaine d’année. On le rencontre particulièrement actif à la dispute de Berne qui va adopter la Réforme en 1528 et non moins entreprenant, en février 1529, lorsque la messe est abolie à Strasbourg.
La décennie 1530 est encore plus riche. Il a changé de paroisse, et devenu le pasteur de Saint-Thomas, le phare du protestantisme strasbourgeois. Toujours aussi actif et diplomate en Allemagne et Suisse, tentant difficilement de concilier les inconciliables. Luther et Zwingli par exemple sur la signification de la cène. En 1530, il refuse de signer la Confession d’Augsbourg qui pose les fondations de l’église luthérienne et lui oppose la confession tétrapolitaine qui réunit Constance, Lindau, Memmingen et Strasbourg. Il changera d’avis en 1531. Entre temps, Strasbourg a rejoint la Ligue de Smalcalde, coalition entre les princes et les villes protestantes qui s’opposent à l’empereur
Obsédé par l’unité des protestants, il est perpétuellement en route. Il rédige les ordonnances ecclésiastiques d’Ulm en 1531, voyage en Suisse en 1533, en Souabe les années suivantes pour organiser et pacifier l’église, son église. Il partage avec Melanchthon un même souci de l’unité. La concorde, ils la conceptualisent, la vivent et la rédigent, à Wittenberg notamment, en 1536 quand ils refont l’unité du protestantisme allemand. La Concorde de Wittenberg, où on s’est enfin accordé sur la question de la sainte cène, est une de ses grandes réussites malgré l’absence des Suisses. Il aura pourtant tout essayé pour les intégrer. La même année, il ramène la majorité des anabaptistes de Hesse dans le giron de l’église protestante en introduisant dans les ordonnances ecclésiastiques la confirmation des catéchumènes et le contrôle des mœurs par les anciens. Son expérience strasbourgeoise l’a beaucoup servi.
C’est qu’il ne se repose jamais. Il y a tant à faire à Strasbourg également. Abolir la messe, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Il faut la construire cette église locale, la consolider, lui donner une armature solide, en un mot l’organiser. Un synode local à partir de 1533, des ordonnances ecclésiastiques et disciplinaires l’année suivante, un règlement pour les écoles élémentaire en 1534, un nouveau catéchisme, le gymnase de Jean Sturm qu’il a ardemment soutenu, un ouvrage en 1538, Von der wahren Seelsorge und dem rechten Hirtendienst, où est théorisé sa vision de l’action pastorale, constituent les riches étapes de la construction de l’église strasbourgeoise. Il en fut l’inspirateur et le plus souvent le maitre d’œuvre. Elle a désormais un statut, ses pasteurs sont assistés de Kirchenpfleger, chargés de la discipline ecclésiastique et de la juste doctrine évangélique …
Mais tout cela reste fragile. Malgré les avancées, Bucer est déçu. Ce n’est pas tout à fait ce dont il avait rêvé. Les politiques l’ont emporté. Le Magistrat a accompagné la Réforme et réussit à imposer sa mainmise. Il n’a pas suivi Bucer sur le plan disciplinaire par exemple. Il est resté sourd à ses plaintes relatives à l’indifférence religieuse, aux critiques dirigées contre son Église, à l’immoralité qui continue de régner en ville.
Les épreuves et les difficultés l’ont mûri. Il a l’expérience que Calvin n’a pas encore. Même si le résultat est imparfait, il a bâti quelque chose. On le connait désormais un peu mieux. Il a des relations mais peu d’amis. Ceux-là louent, en général, son intelligence, son habileté dans l’art d’argumenter, la sûreté de son jugement, sa force de persuasion. Il pouvait être aimable, patient et conciliant quand il s’agissait de convaincre.
Ses adversaires, ou tout simplement ceux qui l’aiment moins, lui reprochent ses formulations déconcertantes, son entêtement, sa distance vis à vis d’autrui, sa sévérité puritaine, ses manières tranchantes, son absence de miséricorde envers tous ceux qui s’opposaient à la claire volonté de Dieu. Car pour cet homme totalement désintéressé, de l’avis unanime, seule importe la souveraineté de Dieu, à la ville comme à la campagne. Il est certes un homme entouré mais demeure fondamentalement seul. Heureusement toujours bien marié, depuis 1522, avec Elisabeth Silberreisen, ancienne nonne qui le seconde et le décharge des charges domestiques.
Voilà l’homme qui attend aujourd’hui Calvin. Fort de ses certitudes et quelque peu ébranlé par ses échecs. Mais toujours désireux de parfaire son oeuvre qui est loin d’être achevée. L’acceptation de la discipline n’est pas suffisamment reçue et partagée par ses pairs. Pourtant, à ses yeux, elle est un signe essentiel de la mission de l’Eglise à côté de l’administration des sacrements et de l’annonce de la parole. L’Eglise telle qu’il la décrit dans « Von der wahren Seelsorge » est constituée par tous ceux qui croient au Christ et qui placent en lui seul leur confiance. Elle devait s’étendre à toute la cité et faire évoluer celle-ci vers une communauté de plus en plus unie. On en était loin !
Calvin à Strasbourg
C’est à Strasbourg, selon son propre aveu, qu’il connaîtra les plus belles années de sa vie. C’est dans la ville de Bucer que Calvin va devenir Calvin. Il n’est pas tout à fait maître de son destin. Il voulait demeurer à Bâle, il s’était établi à Strasbourg. Il voulait reprendre ses études, il est devenu Réformateur. Dieu a contrarié ses desseins, l’amenant là, où a priori, il ne voulait aller.
Il ne sera pas Jonas mais la comparaison avec Jonas lui sied. Ce dialogue permanent entre Jonas et Dieu, ne serait-ce pas un peu le sien ? Ou l’idée qu’il s’en fait. Jonas n’est-il pas le type même du prédestiné ? Lui-même, Jean Calvin, appelé successivement par Farel et Bucer, n’est-ce pas en réalité de Dieu seul qu’il tient sa vocation ?
Oui, il ira porter les paroles de l’Eternel. Aux réfugiés de langue française, nombreux à Strasbourg en premier lieu. D’abord à Saint-Nicolas des Ondes, puis dans la chapelle de pénitentes de Sainte-Madeleine et enfin, de façon durable, dans l’ancienne église des dominicains, tout près de la cathédrale. Le patronage discret de Bucer l’aide à réaliser sa vocation. Ce dernier a vu ce qu’il pourrait tirer du talent du jeune Calvin.
Strasbourg n’est pas Genève. La communauté française serait plutôt une société choisie qui n’attendait qu’un Calvin pour entendre la parole de Dieu. Qui l’apprécie, au contraire de ces Genevois jusque-là rétifs à ses prédications. Il prêche quatre fois par semaine, préside les assemblées dont la liturgie s’enrichit du chant des psaumes auxquels il apporte sa contribution en les augmentant de ses traductions, en les actualisant, en y ajoutant ceux qui ont été versifiés par le poète Clément Marot.
C’est important les psaumes. C’est une forme d’« itinéraire de l’âme » où l’homme prend à la fois conscience de sa faiblesse et de la certitude que Dieu est son seul secours. C’est toute l’assemblée cultuelle qui est appelée à les chanter. Par les psaumes, chaque membre de l’église s’engage à servir le Dieu de l’évangile. A la différence de ces communautés catholiques où le chant revient à la seule schola. Premier résultat concret : c’est à Strasbourg qu’est publié en 1539, le recueil imprimé D’Aucuns Psaumes et cantiques mis en chant.
Le chant donc, mais aussi la discipline, préoccupent Calvin. Pas de comportement chrétien sans rigueur ni même ascèse. Serait-il déjà en train de partager les obsessions de Bucer ? En tout cas, le matin de Pâques 1540, il exclut de la cène tous ceux qui ne sont pas soumis au préalable à l’examen spirituel.
C’est que les gens dont il est devenu le chargé d’âme ne sont pas …des enfants de chœurs ! Il y a surtout ces maudits anabaptistes que Bucer déjà avait combattu. Eux aussi ont trouvé refuge en ville. C’est une véritable mission qui lui incombe. Les convertir ! Il va s’y employer avec zèle. Ne lui envoie-t-on pas des enfants de plus en plus nombreux venant toujours de plus en plus loin ?
L’exemple de Bucer lui parle. Durant son séjour strasbourgeois, il a le temps d’observer le fonctionnement de l’église locale. Il est frappé par cette institution des surveillants de paroisse, les Kirchenpfleger, par l’attention que son hôte strasbourgeois porte à l’éducation doctrinale des enfants et des adolescents, par l’importance qu’il donne, justement, à la pratique du chant des psaumes.
Preuve de la confiance de Bucer et des Strasbourgeois qui l’ont accueilli, on l’invite à enseigner la théologie à la Haute École que Jean Sturm dirige depuis quelques mois. C’est qu’on croit en lui, c’est qu’on espère en lui. Et c’est là toute l’habileté de Bucer d’avoir su reconnaitre ses qualités pédagogiques, en un mot, son talent. Petite manifestation d’orgueil de Calvin, il n’est pas insensible à cette reconnaissance, convaincu qu’il n’en était pas tout à fait dépourvu…de talent ! Après avoir donné des cours bénévolement, en janvier 1539, Calvin est rapidement nommé professeur. Il reçoit, à partir de mai, un traitement d’un florin par semaine. Pour les scolarques, membres du magistrat de la ville, responsables de l’enseignement, il est « un Français qui est un homme instruit et pieux. » Bel hommage d’Allemands à l’endroit d’un Français. C’est qu’il s’impose très vite par la qualité de son enseignement, la hauteur de ses vues, la clarté de son raisonnement.
Il assiste, voire préside aux débats universitaires, les disputationes. Apprécié par ses élèves et ses pairs, il contribue à la renommée du jeune établissement strasbourgeois. Bucer et Capiton y enseignent. Ils font l’exégèse de l’Ancien Testament. Lui, Calvin, trois fois par semaine, se frotte à l’évangile de Jean, à l’épitre aux Romains et probablement, à en croire Jean Sturm, aux épitres aux Corinthiens et aux Philippiens.
Les commentaires de L’épitre de Paul aux Romains, achevés à Strasbourg, est déjà un Meisterstück. Parcours obligé de tout théologien protestant qui se respecte : « la véritable pièce maitresse du nouveau Testament et l’évangile sous sa forme la plus pure » avait écrit Luther en 1522 dans sa préface à l’épitre de Paul. L’accent, comme chacun sait, est mis sur la justification par la foi, pierre angulaire de la théologie protestante.
Le résultat est probant. Calvin dépasse ses maîtres et il en est conscient. Ne reproche-t-il pas dans sa dédicace, délicieusement hypocrite, à Melanchthon, certes brillant, d’être resté superficiel, se limitant aux thèmes majeurs, et à Bucer une forte érudition inaccessible au commun des mortels. Lui, par contre, est convaincu de les surpasser par l’exhaustivité, la clarté, la concision et l’accessibilité de son commentaire. Son coup de génie ? Avoir écrit son commentaire en langue française avec les qualités de celle-ci par opposition aux écrits allemands, jugés longs, diffus et ampoulés…
Le théologien s’est affirmé. Il continue de travailler à sa grande œuvre, l’Institution de la religion chrétienne dont la première version est parue en 1536 à Bâle. Il ne cessera de l’enrichir jusqu’en 1562 pour en faire, à travers moults éditions en latin puis en français, une somme majeure de sa pensée théologique, un monument littéraire, un des ouvrages le plus répandus au XVIe s. qu’on continue à publier. Petit opuscule catéchistique au départ, la version strasbourgeoise de 1539 prend consistance. Elle est forte désormais de 17 chapitres ; elle a triplé, et sera appelée à grandir encore à Genève plus tard. La nouvelle édition strasbourgeoise insiste sur la connaissance de Dieu et celle de soi. Elle développe ses vues sur la prédestination et la providence. Elle contribue à la maturité théologique de Calvin tout comme ses cours d’exégèse à la Haute École. Calvin est devenu calviniste.
Strasbourg l’a révélé. Strasbourg est en train de le construire Il ne roule pas sur l’or. Mais sa situation s’améliore progressivement. Le réfugié est devenu citoyen de la ville le 29 juillet 1539. Il s’est inscrit à la corporation des Tailleurs. Il a trouvé à se loger. Hébergé d’abord chez Capiton puis chez Bucer, il a finalement trouvé une maison non loin de ce dernier dans le quartier de l’église Saint Thomas. Pour compléter son salaire de professeur à la Haute Ecole, il prend des étudiants en pension. Parmi eux, un certain Jean Castellion, qui, quelques années plus tard, s’opposera à lui dans la fameuse et triste affaire Servet qui entachera durablement l’image du réformateur genevois.
Pour l’heure, Calvin se multiplie à Strasbourg et à l’extérieur. L’exemple de Bucer serait-il contagieux ? Toujours un œil sur Genève mais pas uniquement. Il participe aux réunions ou rencontres de Francfort, Haguenau, Worms et Ratisbonne où se construit lentement et douloureusement le protestantisme. Il lui arrive même- on ne se refait pas- d’écrire des pamphlets pour le comte de Fürstenberg. On le sait, la question de la cène divise. C’est le moment où Calvin précise sa conception de l’eucharistie : le Christ est vraiment présent dans le sacrement mais en tant que mystère spirituel, mystère que le seul la foi permet à l’homme de recevoir. Un mystère, soit quelque chose qui échappe à l’entendement humain. Autrement dit, une position intermédiaire entre consubstantiation et symbolisme, entre Luther et Zwingli. Laissons à Dieu ce qui est à Dieu et évitons le débat.
A Strasbourg, Calvin connut la joie du mariage. Ou son embarras. Il fallait certes prendre femme pour se démarquer de tous ces prêtres qui vivaient dans le péché, mais son enthousiasme à convoler relevait plus du devoir que de la passion amoureuse. Il chercha longtemps l’épouse idéale, changea souvent d’avis quand une occasion se présentait et ne cachait pas à qui voulait l’entendre que s’il prenait femme ce sera pour que, mieux affranchi de nombreuses tracasseries, je puisse me consacrer au Seigneur. Voilà ce qu’il confesse à son ami Guillaume Farel, en 1539, alors qu’il est toujours en quête de l’épouse idéale : Souviens toi bien ce que je recherche en elle. Je ne suis pas de la race insensée de ces amants, qui une fois pris par la beauté d’une femme, chérissent même ses défauts. La seule beauté qui me séduit est celle d’une femme pudique, prévenante, modeste, économe, patiente, que je puis enfin espérer être attentive à ma santé. »
Commentaire de l’excellent historien Bernard Cottret, auteur d’une biographie de Calvin, datée de 1999 : « L’argumentaire tient du bureau de placement, tout autant que de l’annonce matrimoniale. Prédicateur de l’Evangile cherche femme pudique pour maternage, et peut-être plus. Femme non sérieuse s’abstenir. L’offre en soi, manque terriblement d’attrait. Calvin se désole. Il ne trouve guère. Faut-il s’en étonner ? »
Et pourtant, il rencontra à Strasbourg une jeune veuve d’anabaptiste, Idelette de Bure, qui avait épousé, en premières noces, un certain Jean Stordeur, originaire, comme elle, de Liège. La pauvrette vivait dans le péché, en l’occurrence l’hérésie : ils étaient anabaptistes tous deux. La séduire, le terme est excessif concernant Calvin, relevait donc de la bonne action, surtout que son époux eut la bonne idée de s’effacer en trépassant. Cette conquête-là relevait davantage de la tâche pastorale de Calvin. Idelette, en quelque sorte, avait une dette à l’égard de son bienfaiteur. L’épouser était donc une façon de se sauver. Elle était- écrit son ami Farel, « même jolie ». La lune de miel était la hantise de Calvin. Heureusement que l’Éternel veillait : en vérité, de peur que notre mariage ne fût trop heureux, le Seigneur a dès le début modéré notre joie, souligne Calvin, précisant qu’il faut savoir contenance garder. Apparemment, il la garda, cette contenance. Théodore de Bèze, qui succéda à Calvin à Genève rapporte qu’il a vécu neuf ans en mariage en toute chasteté. De santé fragile, Idelette mourut à Genève en mars 1549.
Avait-il oublié Genève ? Il semble que non. Il n’avait jamais digéré la façon dont il avait été chassé. La plaie était restée vive. Il était resté attentif à l’évolution de la cité helvétique. Celle-ci souffrait de la rivalité avec Berne. Les ennemis de Calvin, qui avaient triomphé lors de son départ, furent à leur tour victime d’un procès de trahison, car trop très des positions hégémoniques bernoises. En octobre 1540, voilà que l’on souhaite le retour de Calvin. Genève a besoin qu’on la conseille et qu’on l’édifie. Seul Calvin apparemment en est capable.
Il se laisse désirer, règle pourtant, à partir de Strasbourg, ses comptes avec le cardinal Jacques Sadolet, évêque érasmien de Carpentras, qui en profite pour écrire aux responsables de la cité genevoise en leur suggérant fortement de revenir dans le giron de la Sainte Église pour éviter de se retrouver au jour du jugement dernier, rejeté dans les ténèbres extérieures où ils connaîtront pleurs et grincements de dents. Ce n’est pas le gouvernement genevois qui répond à Sadolet, mais le « strasbourgeois » Jean Calvin, dont le cœur est resté genevois, dans la fameuse Épitre à Sadolet. Extrait : « Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai ce livre à la main me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : voilà ce que j’ai fait, ce que j’ai pensé, ce que je fus… »
Le texte est admirablement écrit. C’est un des plus beaux textes de la littérature pamphlétaire. C’est du pur Calvin, maître de son style, clair dans son argumentation, efficace dans ses effets. Aux terreurs distillées par le prélat, il oppose la certitude que procure l’assurance du salut : Les consciences des fidèles (…) écrit-il, ont seulement commencé à se reposer et confier en la bonté et la miséricorde de Dieu, qui auparavant étaient en continuelle anxiété et perturbation. » On ne saurait mieux dire !
Les Genevois ne le lâchent plus. Ils font le siège des autorités strasbourgeoises qui finissent par le laisser partir. Calvin rentre à Genève le 13 septembre 1541. La ville s’empresse de lui pardonner tout le mal qu’elle lui a fait. Il jubile, mais il a changé. Strasbourg, Bucer et les autres ont contribué à sa métamorphose.
Pendant ce temps, Bucer est toujours aussi engagé. Il continue son nomadisme, tantôt à Strasbourg, tantôt sur les routes allemandes. En six ans, observe l’historien Martin Greschat, de 1534 à 1549, Bucer a parcouru environ 12 000 kilomètres, soit une moyenne de 2000 km par an ! Par monts et par vaux, bâtisseur du protestantisme allemand, avocat patient de l’union de ses membres.
En 1538, à la fin de l’année, il est en Hesse et ramène la majorité des anabaptistes au sein de l’église de la Réforme. Il y retourne en 1539 pour y rencontrer Luther et Melanchthon qui lui remettent leur Beichtrath concernant la bigamie de Philippe de Hesse. Il noue des contacts, cette année-là, avec les frères moraves, participe au colloque de Leipzig, en face ou avec l’évêque réformiste Hermann von Wied. L’année suivante, il est au colloque de Haguenau et de Worms. Parfois, en même temps que Calvin qui est davantage un observateur quand, lui, Bucer est au front, notamment à Ratisbonne, en 1541, à la diète et au colloque.
Il n’oublie pas sa chère église strasbourgeoise, ouvre un second synode de l’Eglise locale sur les questions de discipline notamment. L’homme pressé, à la fois ici et ailleurs, échappe à la peste de la fin de l’été et de l’automne 1541. Il y perd son ami de longue date, Jean Capiton. Sa fidèle épouse Elisabeth en est également victime. L’impératif de la Réforme, la fragilité de la vie humaine, les malheurs du temps, famines, guerre et épidémie, ne laissent guère de répit. On vit dans l’urgence. On remet son âme à Dieu. On meurt ou on continue. Il continue, le voilà à Cologne quelques mois après, en Hesse et à Spire. Il s’est remarié à Wibrandis Rosenblatt, veuve de son ami Capiton, après avoir été celle du réformateur Oecolampade de Bâle…
Comment réagit-il au départ de Calvin ? A-t-il seulement le temps d’exprimer un regret ? Ses engagements sont tellement nombreux, ses voyages tellement épuisants, une priorité chasse l’autre. Il n’a jamais regretté son choix de le faire venir, ni mésestimé son talent ni son bilan strasbourgeois. Ce n’est pas lui qui pouvait le retenir. La décision appartenait aux responsables politiques de la ville. Les décideurs se sont eux. C’est à eux que s’adressent les Genevois pour obtenir le retour de Calvin. A Jacques Sturm, le stettmeister, en particulier, qui pourtant ne fera jamais mystère de son regret de perdre ou d’avoir perdu si un grand théologien.
A priori, les relations entre Calvin et Bucer furent sans nuages. De retour à Genève, Calvin reste en relation épistolaire avec le réformateur strasbourgeois comme il reste en rapport avec Jacques Sturm. Il reviendra à Strasbourg, de façon ponctuelle en 1543 et 1556. Les années passent et Calvin n’a pas oublié Bucer. Quand celui-ci, en difficulté avec Strasbourg, qui s’est soumis à l’Empereur Charles-Quint dès 1547, et après l’intérim de 1548 est invité à quitter la ville en 1549, Calvin s’empresse de l’attirer à Genève. On sait que c’est l’Angleterre qu’il choisira.
Beaucoup de choses les avaient rapprochés. Des relations personnelles, des affinités théologiques : « l’accent sur l’Esprit saint, cadeau de Dieu, l’exhortation à une vie pleine d’amour pour le prochain, l’exigence de la discipline. Bucer a été pour Calvin un conseiller sûr et un ami paternel » (Greschat). Calvin est un bon élève, à la fois à l’écoute et critique. Agacé, comme le fut Luther, par des concessions trop importantes que Bucer fait aux partisans de la foi traditionnelle. Excédé par la considération de l’église catholique qu’il appelait à se réformer alors que pour Calvin, elle était un blasphème abominable qu’il fallait quitter. Que penser du caractère flou de ses affirmations relatives à la cène ? A force de vouloir contenter tout le monde…
Genève n’était-il pas également un facteur de discorde ? : Calvin avait été irrité de la proximité de Bucer avec les protestants de Berne … dont le pouvoir s’étendait jusqu’aux portes de Genève ! En obtenant un accord théologique avec les Bernois, Bucer avait incommodé les zwingliens, entre autres, en la personne de son successeur Heinrich Bullinger (idem, 284-285.
Bref, il y avait là des divergences parfois sérieuses, mais pas de quoi rompre une réelle amitié. Critique, parfois sarcastique, Calvin savait également manier l’éloge avec habileté et même sincérité : Bucer, écrivait-il en 1539, est un homme dont la profonde éducation, le riche savoir dans diverses branches de la science, l’esprit pénétrant et la grande culture, ainsi que ne nombreuses autres vertus, ne peuvent être égalées par aucun de ses contemporains : il ne peut être comparé à peu de gens et il en surclasse de loin la plupart.
Les années strasbourgeoises avaient été particulièrement fécondes pour Calvin. Et heureuses aussi comme nous l’avons rappelé. Fondatrices en quelques sorte. Il eut le temps d’observer et d’engranger. Il expérimenta par Bucer interposé. Il fut le témoin de ses réformes et des difficultés qu’il rencontrait parfois pour les appliquer. Calvin put se faire une opinion de ce qu’il fallait faire, et de ce qu’il convenait d’éviter. Fort des leçons de sa première et malheureuse expérience genevoise, désormais riche d’un acquis que Bucer et les Strasbourgeois avaient éprouvé. Un sillon s’était creusé. Il annonçait un chemin.
La liturgie, le chant des psaumes, la diversité des ministères, le convent ecclésiastique et la Haute Ecole étaient autant d’exemples qui inspireront Calvin qui y amena son génie propre. Cela faisait beaucoup. La dette était réelle. Bucer et les siens avaient de leur empreinte marqué Calvin et, partant, inspiré la reforme genevoise. Certes Calvin réussit là où Bucer échoua. Dans l’instauration d’une communauté pourvue d’une discipline sévère, allant jusqu’au ban, à l’excommunication et à la mort. Faut-il vraiment le regretter ?
Les réformateurs de la première génération n’étaient plus là quand se termina l’affaire Servet. On sait que Michel Servet, humaniste espagnol, avait contesté le dogme de la trinité dans un ouvrage, publié à Haguenau en 1531, intitulé Les erreurs de la Trinité. L’ouvrage avait suscité une vive émotion chez les Réformateurs dont Servet se réclamait. Il donnait d’incontestables arguments au clan de papistes qui avaient beau jeu de montrer que la Réformation sapait les fondements de la chrétienté. Il devint un paria parmi le siens et paya, vingt ans plus tard, le 27 octobre 1553 à Genève son entêtement sur le bûcher.
Qu’aurait été l’attitude de Bucer dans cette affaire ? Comment aurait-il réagi à sa justification que Calvin publia en latin et en français en 1554 ? Qui reçut l’assentiment de quelques théologiens importants à Strasbourg. Pierre Martyr Vermigli, théologien réformé qui enseigne à la Haute Ecole et surtout Jean Sturm, le recteur de l’établissement. On ne transige pas avec les blasphémateurs qui persistent dans l’erreur. On ne connaîtra jamais la réponse. Peut-être vaut-il mieux. On n’oublie pas que Bucer fut également préoccupé sinon obsédé par la discipline…
Bucer n’est pas inconnu pour l’Eglise genevoise. Il figure même dans son panthéon. Théodore de Bèze, qui succéda à Calvin avait retenu Bucer dans son ouvrage Les vrais portraits des hommes en piété et doctrine, paru à Genève en 1581.
Voilà ce qu’il écrivait. Je vous avais lu ce texte lors de notre première causerie, il y a exactement quatre ans, le 11 novembre 2015 :
L’Allemagne se sent, ô Bucer très heureuse/ De t’avoir donné vie : elle s’en vante aussi/ Tes écrits jusqu’aux bouts de ce grand monde ci-/ Portent ton nom, ta gloire et grandeur valeureuse/ Quant au cours de tes ans, l’Allemagne dira/ L’ai chassé malgré moi, ce Bucer que j’amoye/L’Angleterre avouera, je l’ai gardé en joye/ Alors que dans mes bras saufs il se retira/ Son corps dans le tombeau, chez moi, j’ai veu descendre/ D’où vient donc Angleterre( ô forfait inhumain )/ qu’incontinent tu as de la félonne main/ Tiré ce corps de terre et l’as réduit en cendres ? / Je m’abuse, Bucer : estant ainsi purgé/ D’ordure, n’es-tu pas ors au ciel logé ?
Plus près de nous, le pasteur réformé Jacques Courvoisier avait estimé en 1933 que « Bucer était le créateur génial de l’église réformée et Calvin le génial praticien. » En 1948, Jean-Daniel Benoit, dans sa biographie de Calvin, prétendait enthousiaste : « cette église des réfugiés, organisée par Calvin sur le type des paroisses strasbourgeoises, est devenue la mère, si l’on peut dire, et le modèle de toute les églises réformées de France (…). Et par là, peut on ajouter, l’influence de Strasbourg s’est fait sentir jusqu’aux extrémité du monde »
Si aujourd’hui les historiens font preuve de plus de retenue, aucun ne conteste la part déterminante de Martin Bucer, et plus généralement de Strasbourg, dans le destin de Jean Calvin tant sur le plan personnel et théologique que sur celui de l’ecclésiologie.
Bibliographie
Bernard Cottret, Calvin Biographie, Paris, Editions J.C. Lattès, 1995
Denis Crouzet, Jean Calvin, Paris, Fayard, 1999.
Klaus Ganzer, Bruno Steiner, Lexikon der Reformationszeit, Freiburg, Basel, Wien, 2002
Encyclopédie du Protestantisme (Direction Pierre Gisel), PUF, 2006
Dictionnaire de la Renaissance, Encyclopaedia Universalis, Paris, Albin Michel, 1998.
Dictionnaire de la Théologie chrétienne, Encyclopaedia Universalis, Paris, Albin Michel, 1998.
Martin Greschat, Martin Bucer (1491-1551) un réformateur et son temps, (traduit de l’Allemand et préfacé par Matthieu Arnold), PUF, 2002.
Martin Bucer, Strasbourg et l’Europe, catalogue de l’exposition du 500e anniversaire du réformateur strasbourgeois Martin Bucer (1491-1991), Strasbourg-Église Saint-Thomas, 13juillet-19octobre 1991.
Jean Calvin, les années strasbourgeoises (1538-1541), textes réunis par Matthieu Arnold, Presses Universitaires de Strasbourg, 2010.
Quand Strasbourg accueillait Calvin 1538-1541, BNU, Faculté de Théologie protestante, Presses Universitaires de Strasbourg, 2009.
Gabriel Braeuner, Bucer avant Bucer, Annuaire de Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, 2017, p. 7-15.
Gabriel Braeuner, La rencontre des deux Martin, Annuaire des Amis de la Bibliothèque humaniste de Sélestat, 2018, p. 10-20.
*Gabriel Braeuner, 14 novembre 2019, conférence au Foyer Martin Bucer de Sélestat.