La présence juive à Sélestat est consécutive à la fondation de la ville sous le règne de Frédéric II de Hohenstaufen au début du XIIIe siècle. La date du milieu du XIIIe siècle est aujourd’hui communément admise par les historiens. La jeune ville était alors nantie de fortifications, cette marque de distinction qui caractérise les villes à l’opposé des villages qui n’en bénéficient pas. Comme à Colmar, sa voisine, également fondée à la même période, de nombreux réfugiés juifs venus de France, victimes des persécutions du roi Philippe le Beau à partir de 1306 grossissent le nombre de la communauté d’origine. Cette dernière était surtout issue de la région du Rhin. Les villes de Mayence, Spire et Worms constituaient, en ce temps-là, un lieu important de présence et de diffusion de la culture et de la spiritualité juives. Avec les centre français de Narbonne et de Champagne, la Rhénanie avait contribué à la réputation de savoir et de piété du judaïsme en Europe et fait du Talmud une oeuvre largement occidentale. Il est intéressant de constater que les quelques rares noms juifs recensés au XIVe siècle à Sélestat se partagent entre des patronymes à consonance latine et germanique. Les familles juives, présentes dans la ville, s’étaient regroupés autour d’une première synagogue dont la construction était datée du début du XIVe siècle. Elle se trouvait dans une ruelle entre la rue des Clefs et la rue Sainte-Barbe.
La communauté juive de Sélestat est moins connue que celle des villes voisines dont elle partage pourtant le destin chaotique et fragile, menacé perpétuellement, au cours du XIVe siècle, dans son intégrité physique et économique. On ne sait si elle fut touchée par la furie des bandes d’Armleder qui s’en prit surtout au juifs de Haute Alsace en 1338. Par contre, elle subit des violences en 1347 et n’échappa pas au terrible massacre de 1349 consécutif à la peste qui submergea l’Occident alors et pour laquelle il fallut trouver un bouc émissaire : les juifs !
Ceux de Sélestat, comme les membres des communautés voisines de Strasbourg, Fribourg, Breisach furent accusées d’avoir empoisonné l’eau des puits. Les pogroms qui s’en suivirent anéantirent la plupart des communautés locales, y compris celle Sélestat, à l’exception d’un pauvre malheureux qui se fit baptiser. L’ensemble de la fortune des familles juives fut spoliée sans que l’empereur, en l’occurence Charles IV, ne levât le petit doigt pour condamner les villes et les auteurs de l’effroyable méfait.
A la fin des années 1360, une nouvelle communauté s’était reconstituée à Sélestat. Cette seconde communauté survécut vaillamment mais difficilement jusqu’à l’expulsion définitive des Juifs des principales villes d’Alsace en 1519.
Pour en savoir plus:
Gerd MENTGEN, Geschichte der Juden in der mittelalterlichen Reichstadt Schlettstadt, Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, 1990.
Claude GENSBOURGER, Un coup d’oeil rétrospectif : la communauté israélite de Sélestat, ses origines, ses synagogues in : Cérémonie de consécration de la synagogue restaurée de Sélestat, 11 septembre 1960.
Gabriel Braeuner, Samuel Schlettstadt, extrait de l’article DNA Sélestat du 9 novembre 2019 : Ces hommes et ces femmes qui ont fait l’histoire de Sélestat