HIRLE Ronald, Qui étiez-vous, monsieur Germain Muller? Strasbourg, Editions du Signe, 2014

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Germain Muller, talentueux directeur du cabaret le Barabli, de 1946 à 1992, auteur d’une non moins emblématique pièce de théâtre Enfin redde mr nim devun (1949) qui réconcilia les Alsaciens avec leur histoire récente, celle de la deuxième guerre mondiale, est décédé, le 10 octobre 1994. Vingt ans après, il est l’objet d’une série de célébrations qui rendent autant compte de son action et de sa place unique dans la conscience et culture alsacienne contemporaine que du désir de conserver un héritage qui parle davantage aux anciens qu’à la nouvelle génération. A la question liminaire de l’ouvrage de Ronald Hirlé : « Qui étiez vous monsieur Germain Muller ? » fait écho cette autre question d’un de ses héritiers et membres du cabaret, Christian Hahn, dans l’épilogue de l’ouvrage : « Que serez vous demain ? »
Ronald Hirlé, fils de Mario, l’alter ego du patron du Barabli, dont le talent musical complétait la brillante écriture de Germain Muller, n’était pas le plus mal placé pour nous livrer un témoignage riche et nourri de sources abondantes et personnelles, souvent inédites et somptueuses sur le plan iconographique, parfaitement mises en valeur par les Editions du Signe dont on connaît l’exigence de rigueur et de qualité. Si le récit se nourrit de multiples anecdotes, sa construction respecte la chronologie historique. La plupart des thèmes chers à Germain y sont abordés. L’homme de spectacle, l’écrivain et le poète y trouvent une large place comme attendu, et l’homme politique n’est pas oublié, bien au contraire. Le bilan de l’ancien adjoint à la culture de Pierre Pflimlin et de Marcel Rudloff vient opportunément compléter celui de l’acteur culturel. Les pages de l’histoire politique et culturelle  strasbourgeoise – « Rien n’est trop beau pour Strasbourg » !- se mêlent harmonieusement aux pages d’histoire culturelle régionale voire même nationale. Les paragraphes consacrés à Edith Piaf et aux Compagnons de la chanson montrent toute la proximité de Germain et de Mario avec le milieu artistique français au lendemain de la guerre quand leur agence artistique La Fontaine produisait et organisait les spectacles des premiers. Grâce aux sources de l’auteur et à ses souvenirs, les pages sur la genèse de l’aventure de Germain et des siens sont parmi les plus novatrices et nous informent abondamment sur l’appétit de vivre d’une partie de la jeunesse qui avait survécu au conflit. Autre qualité à souligner dans le travail de Ronald Hirlé, la part réservée aux témoignages de tous ceux qui ont accompagné Germain durant ces nombreuses années, qu’il s’agisse des pionniers comme des générations qui ont suivi et qui ont fait la riche histoire du Barabli, d’Enfin redde mr nim devun, des émissions de radio et de télévision, de la politique locale strasbourgeoise et régionale. L’occasion de redécouvrir la part prépondérante dans cette aventure polyphonique de Dinah Faust, son épouse, de René Breysach, immortel Désiré, de Simone Muller et de tous les Muller, de Félice Haeuser, de René Vogel, de René Wieber, d’André Wenger, de Pierre Pflimlin et de tant d’autres dont évidemment Mario Hirlé à qui cet ouvrage doit beaucoup. Soit une multitude réunie pour dresser un portrait complexe et nuancé de Germain Muller, multiple et singulier, témoin, révélateur et acteur d’une période qui n’est plus seulement celle de notre mémoire mais de plus en plus celle de notre histoire.

Gabriel Braeuner, été 2015, recension pour la Revue d’Alsace 2015

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