Humanisme et diététique au XVIe siècle : les recettes du médecin Laurent Fries

Manger, boire et se soigner ou le régime de santé du docteur Fries à Colmar au début du XVIe siècle

Spiegel der ArtzneyL’Alsace, un pays de bon vivant ? La réputation est ancienne et attestée. Elle ne relève assurément pas seulement de la promotion touristique. Jadis, c’est-à-dire au XVIe siècle- nous faisions alors partie de l’Empire germanique - Sébastien Munster, auteur de la fameuse Cosmographie, écrivait déjà, dans l’édition française de 1552 : « Et pour dire en un mot, il n’y a point encore une autre région de Germanie qui puisse ou doive être comparée au pays d’Alsace en tout ce qui est nécessaire à la vie de l’homme. Vrai est qu’il y a des  contrées en Germanie qui produisent aussi bon vin  que l’Alsace, mais ceci leur défaut qu’il n’y a point si grande abondance  de blé ni d’arbres fruitiers ».

Opulente Alsace

Il n’était pas le seul à avoir été frappé par l’opulence locale. En 1534, dans son Weltbuch, Sébastien Franck est impressionné par le grand nombre de villes, de bourgs, de villages, de châteaux, de couvents et d’hôpitaux qu’il rencontre dans la région. Il s’étonne qu’il y ait en Alsace  « tant de gens oisifs et de mendiants robustes », qui jurent avec les visages faméliques qu’il croisait jusqu’alors. Il trouve que la population s’adonne trop à la bonne chère et surtout aux boissons :  « Ici, presque tout le monde boit du vin ». Franck décrit les grandes quantités de vin exportées, la richesse de la chasse et de la pêche, la fertilité des champs : « Les collines pleines de vin, les plaines et vallées couvertes de prés, de champs et d’arbres fruitiers ».

On y mange donc beaucoup et l’on n’y boit pas moins. Trop parfois ! Les mortalités ne sont pas toutes à mettre sur le compte de la guerre et des épidémies. On s’inquiète de ce danger. Un médecin colmarien s’en émeut, Laurent Fries qui, en 1519, publie, à Strasbourg, le Spiegel der Artzney (Miroir de la médecine), première encyclopédie médicale écrite en langue allemande. On y trouve, au fil des pages, rédigées avec une verve truculente et un vrai talent d’écrivain, des conseils diététiques étonnants par leur modernité.

Médecin humaniste

Laurent Fries n’est pas un inconnu. Il figure parmi les grandes figures de l’humanisme alsacien même s’il ne fut ni clerc, ni théologien. Pas vraiment écrivain non plus. Mais un esprit curieux, pratique et universel, comme on savait l’être encore au début du XVIe siècle. Il avait été médecin, géographe et astrologue. Il possédait le latin et le grec. Il s’entendait même en hébreux et en arabe. Il rédigera, à l’usage de ses collègues médecins, un lexique des termes médicaux, dans les langues citées.

Il était né en Souabe vers 1485, avait étudié la médecine en Italie et à Vienne, peut-être à Montpellier « où fleurissait la noble science médicale », selon ses propos – mais nulle trace cependant de son immatriculation dans cette faculté. Il s’installe à Colmar vers 1510, comme Stadt-physicus, c’est-à-dire médecin de la ville. Il en partira neuf ans plus tard, excédé par le peu de goût des Colmariens pour les choses de l’esprit. Il leur fit une réputation peu flatteuse, les décrivant comme « plus grossiers que de la paille de fève, persécuteurs de toute littérature et ne se réjouissant que de barbarie ».
Il publie son Spiegel der Artzney à Strasbourg, chez l’imprimeur Grüninger. L’ouvrage, écrit en allemand pour la rendre plus accessible au public, connait un grand succès et fera l’objet, de 1519 à 1546, de huit rééditions successives

Géographe et astrologue

Il avait continué son activité de médecin à Strasbourg. Il s’y révéla comme géographe, ayant, entre autres, participé à une nouvelle édition de la Géographie de Ptolémée. Le médecin géographe était aussi astrologue. Les prédictions qu’il vendait le faisaient vivre. Il fut, en 1520, un ardent défenseur d’une cause que Luther avait violemment attaquée. Quand Strasbourg passa à la Réforme, il jugea prudent de quitter la ville. Il se rendit à Trèves, avant de s’établir définitivement à Metz, en 1528. Il y mourut en 1532.
Le « Miroir de la médecine », dont nous conservons un exemplaire à la bibliothèque de Colmar, est un document précieux et un excellent témoignage tant médical que social. Dans son introduction, Fries s’interroge sur la médecine et les médecins. Qu’est-ce que la médecine ? Sinon l’art le plus noble qui soit, vu qu’il concerne l’homme : «  Artzney ist die allen edlen Kunst weil sie die Menschen betrifft…».
Qu’est ce que le médecin, sinon un serviteur zélé de la nature. « Ein Artzt ist nicht anders als ein fleissiger Nothelfer und Diener der Natur.”

N’est pas digne du titre de médecin qui veut. De nombreux charlatans pratiquent la médecine sans la connaitre. Fries dénonce ces imposteurs. Les barbiers et châtreurs, qui ont accumulé quelques connaissances, ne trouvent pas davantage grâce à ses yeux. Ainsi ce soi-disant médecin allemand, Ein teutscher Artz, rencontré, à Colmar qui prescrit toujours les mêmes médicaments, quel que soit le symptôme : …gibt fast einerley Artzney für alle Presten.

Médecin véritable

Spiegel...2Seuls les vrais médecins méritent la confiance du malade. Ils ont fait des études, le plus souvent dans des universités célèbres. En Italie, à Plaisance et à Pavie, en France surtout, à Montpellier :     « besunder in einer Stadt heisst Montpellier da die edel Artney bleiet. » Ils connaissent la grammaire pour apprendre la sainte logique, die gebenedeyte Logic ; Ils maîtrisent l’astrologie car les astres sont à l’origine de tous les changements ; l’arithmétique qui sert à mesurer le degré  et l’évolution des maladies ; la géométrie, utile pour déterminer la forme des plaies ; la musique qui permet de compter les battements du pouls à un, deux ou trois temps. La cosmographie, enfin, est indispensable. Ne permet-elle pas de connaître les climats des différents pays  « … car on ne traite pas un homme du Nord comme on traitera un méridional ».

Les vrais médecins se rattachent à une vénérable tradition : Hippocrate, bien sûr, der Heilig Hippocrates , Galien et le médecin arabe Avicenne, der Fürst Avicenna, dont le Canon de la médecine, rédigé vers l’an mil, influençait encore les contemporains de Fries. Ce dernier était resté fidèle à cette longue lignée. Il avait beau avoir accueilli, en 1528, le très sulfureux Paracelse dans sa maison colmarienne en 1528, il n’avait pas partagé ses idées révolutionnaires sur la médecine et les médecins.

Pragmatique et exemplaire

Pratique et pragmatique, Fries n’était pas un théoricien. Il s’était forgé une solide expérience au contact des Colmariens et plus tard des Strasbourgeois qu’il avait soignés. Il préconisait des relations basées sur la confiance entre soignants et soignés. Le premier entretien était, à ses yeux, déterminant. Le patient était invité à répondre le plus honnêtement possible aux questions du médecin : du sollst auch dan sagen ob krank, rych oder arm sei, nit liegen. Il importait, en effet, au médecin de savoir si son client était riche ou pauvre. Le renseignement était essentiel car le médecin avait souvent du mal à se faire payer. Fries se rappelait qu’on lui donnait parfois quelques œufs ou qu’on le retenait, plus rarement à manger. Mais le plus souvent, quand le malade était guéri, il avait l’audace de prétendre qu’il s’était guéri tout seul et ne voyait plus aucune raison de payer le médecin qui l’avait soigné. Voilà pourquoi, Fries conseillait à ses confrères de se faire payer d’abord. Et plus spécialement par les riches, ce qui permettait de soigner les pauvres gratuitement. C’était là une impérieuse obligation morale.

En toute occasion, le médecin devait donner l’exemple. Il doit, toujours selon Fries, être actif et consciencieux, zélé dans la lecture et disposé à l’étude. Fidèle au serment d’Hyppocrate, il s’abstiendra de bavarder dans la rue : « Er soll nicht schwetzen uff der Gassen ». Evitant la débauche et l’ivresse, il mènera une vie sobre et discrète. Il devait traiter les malades comme il aurait aimé qu’on le traitât lui-même : « Was du willst das man dir thu, das thue einem und andere auch. »

Telle était la noble conception que Laurent Fries avait de son métier. Puisque l’homme l’intéressait dans sa globalité et ses comportements, la façon qu’il avait de (mal) se nourrir ne lui avait pas échappé. Du temps de son séjour colmarien déjà, plus tard encore à Metz quand il rédigea pour l’abbé d’Echternach, Robert de Monréal, un régime de santé, conservé sous forme d’une lettre manuscrite non datée dans les Archives du gouvernement Grand Ducal de Luxembourg. Ce document fait écho aux conseils que l’on trouve dans le Spiegel der Artzney. Le régime traite successivement de l’air environnant, de l’habillement, des boissons, des bains, du sommeil, des saignées. Il s’achève sur quelques recettes de pilules de sa composition et de l’inévitable protocole astrologique qui faisait sa réputation. En comparant les deux documents, rédigés à plus de dix ans d’intervalle, nous arrivons à nous faire une idée assez précise des préoccupations diététiques… il y a 500 ans en Alsace. Les thèmes retenus sont ceux contenus dans la lettre de Fries au vénérable abbé.

 De l’importance d’un air sain

La qualité de l’air que nous respirons est capitale pour Fries. Lorsqu’il est sain, il n’y a que très peu de malades, observe-t-il. Lorsqu’il est vicié, il empoisonne l’homme et le rend malade… notamment lors de la peste, la fameuse Pestilenz, angoisse rémanente de nos ancêtres. Fries qui aime rappeler – petite coquetterie de sa part – que le médecin est égale men tun savant montre combien les astres et les planètes, les saisons, le feu, l’eau, la situation géographique déterminent ou modifient la constitution de l’air. De même que les métaux et les minéraux, tels le souffre, l’arsenic qui l’altèrent profondément
L’homme aussi porte sa part de responsabilité dans la dégradation de l’air. Les cadavres des animaux en décomposition, les exhalaisons des cimetières, le croupissement des eaux, l’état des latrines sont autant de facteurs de pollution, comme nous dirions aujourd’hui, pointés du doigt par le médecin colmarien : Auch so würt der Lufft geändert durch die Ueberfliessigkeit der Thieren. Also vil Mist lieget, da ist der Luft unatürlich erhitzt. Wo Kuhmist ist, da ist der Luft voll böser Feuchtigkeit. Auch ändert offt die Cloaken oder heimlicher Gemach den Lufft durch Ihren Gestank. Desgleichen die todten Cörper aller Thier auf dem Feld und in den Kirchhöfen vergifften den Lufft. Also das zu dem dickeren Mal die Pestilenz daraus entsteht, dann wann das Herz den faulen Lufft an sich zeucht, so hebt sich Geblut zu fallen…

Hormis ces mesures, qui nous semblent aujourd’hui aller de soi et qui indirectement nous renseignent sur l’état déplorable de l’environnement de nos ancêtres, Fries recommande à ses contemporains de bien veiller à l’exposition des fenêtres et à leur taille : les maisons qui ont peu de fenêtres ont un air trouble, rude et malsain (trübe, grobe, ungesunde Luft). Les maisons qui présentent par contre de nombreuses ouvertures ont un air pur et régénérant (reine, lautere Luft).  Les chambres orientées vers le midi (sud) ont un air chaud. C’est là qui doivent reposer les malades et tous ceux qui craignent le froid. Quant aux chambres orientées vers minuit (nord), elles ont un air froid, propice en été aux malades comme aux bien portants, notamment lors des épidémies de peste, quand se déclenchent de méchantes fièvres et apparaissent des tumeurs putrides (Böse Fieber, faule Geschwüre).

… Et de vêtements appropriés !

« A propos, écrit-il à l’abbé d’Echternach, il y a quelque chose à dire sur les vêtements. Votre Seigneurie doit veiller à bien couvrir son corps en hiver pour le protéger du froid, non pas avec des fourrures mais avec des étoffes de lin et de pleine toile. Parmi les fourrures, veillez à ce qu’ils proviennent d’animaux sains. Je ne vous recommande ni le renard, ni la martre ( Fuchs und Marder syn uwer Gnaden nicht gut ). En outre, ne mettez pas sur la tête une coiffe faite de fourrure, mais plutôt un bonnet présentant une bonne soie à l’intérieur, parfumée de clous de girofles et de noix de muscade  ».

Bien manger d’abord

Voilà pour les préliminaires car hier comme aujourd’hui l’essentiel du régime est consacré à l’alimentation. Rien de nouveau sous le soleil ! Fries, très rapidement, va à l’essentiel. Il a observé, durant sa décennie colmarienne, que la plupart des gens mangent de trop et trop lourd. Certains auraient même tendance à s’empiffrer, les curés et les soldats notamment, qu’il range volontiers dans la corporation des porcs ! Ne boivent-il pas jour et nuit jusqu’à en être malade : « Ettliche Krieger, Pfaffen und Leyen in der Schweinzunft, trinken Tag und Nacht, dass sie kotzen uff den Tisch… » Ils creusent leur tombe. Quand ils sont au plus mal, ils consentent enfin à consulter le médecin. Fries, qui au passage règle quelques comptes, les traite de méchantes tiques, arge Hundzechen  qui n’écoutent pas ses conseils
Il n’en est pourtant pas avare. Comme base d’une bonne alimentation, notre médecin recommande une consommation régulière de pain à base de farine de blé, un blé sec, issu d’une bonne récolte, un pain bien cuit, avec suffisamment de levure, un peu salé. « La farine, ajoute-t-il, ne doit pas être trop fine, ni trop épaisse, avec encore un peu de son… » ( es soll auch mittelmessich syn von dem Mel, nyt zu gar reyn, auch nyt grob, noc hein wenig Kleyn daby)

Viandes et volailles

« De la viande, votre seigneurie peut en manger, notamment le porc quand il est jeune. Si le porc n’est pas vieux, sain et pas trop gras, salé et légèrement fumé, vous pouvez en manger à volonté. La viande d’un jeune bœuf vous sera tendre. Par ailleurs, vous pouvez aussi goûter de la viande de veau, du mouton, de la chèvre et de l’agneau ».
Fries accorde, aussi bien dans le Miroir que dans sa lettre à l’abbé d’Echternach, une importance particulière à la consommation de la viande : «  La viande de porc, qui ressemble tant à la viande humaine, selon Galien, est un bon mets, nourrissant et digeste quand elle est salée. La viande de vielle brebis est également recommandée alors que celle du vieux bouc est indigeste. La viande d’un jeune lapin ou d’un jeune veau sera bien digérée au contraire de la viande de bœuf dont le caractère très nourrissant la désigne aux… paysans.

On s’abstiendra par contre, en cas de maladie surtout, de la viande fumée, contrairement à la fâcheuse habitude de ces malades qui abandonnent une alimentation saine pour manger de vieux morceaux rouillés, suspendus depuis six mois dans la cheminée, et dans lesquels logent les mouches… « Ettlich Litt wann sie krank seind, so lassen sie die guten Speisen ston und essen von diesen rostigen Bontzer das ein halb Jar am Rauch gegangen ist und die Fliegen darin gehausset ».

Que dire enfin de la détestable habitude des Colmariens de manger de la viande fumée avec de l’ail dont Fries a horreur : «  Je ne comprends pas, j’aime manger de la viande fumée et de l’ail, proteste le famulus devant son maître dans le Spiegel der Artzney. Et Fries de répondre, sentencieux :   Du bist ein grober Hammel, pour bien marquer son opposition au caractère grossier et vulgaire des habitudes alimentaires de ses contemporains. Le médecin humaniste ne prêtait apparemment pas à l’ail les qualités que nous lui reconnaissons aujourd’hui.

Parmi les volailles, « les poules d’un à deux ans », les jeunes coqs, les chapons et les pigeonneaux sont recommandés à l’abbé d’Echternach qui se gardera cependant de manger des pigeons qui donnent de la podagre (goutte) , des oies et des poules d’eau. Les gibiers conseillés à l’homme d’église sont les gélinottes, les perdrix et les bécasses, les jeunes cailles et les grives.

Peu de poisson mais beaucoup de légumes

« Quant aux poissons, nous estimons qu’il s’agit d’une nourriture inutile (nyt sunderlich eyn nutzliche Spise ist ). Cependant, si déjà il faut en manger, mieux vaut choisir ceux qui vivent dans une eau courante où le sol est de sable et de pierre. On choisira des poissons à écailles, des brochets et des truites. Par contre, on s’abstiendra de la carpe, « qui est poisson malsain ( eyn ungesunder Fisch) qui rend le sang impur et détraque les intestins ». Quand on mange du poisson, il faut le griller, c’est ainsi qu’il est le moins mauvais pour la santé. Mais on peut aussi se nourrir de poisson de mer salé, de hareng, de morue séchée, notamment…
Au rang des légumes, la bouillie de pois est conseillée, les grises plus que les blanches. De l’orge avec de la bouillie de viande, peu de haricots, peu de mil, de la bouillie et purée d’avoine. La purée de chou, le chou-fleur et la purée de jeunes orties ne sont pas à dédaigner. Les plantes crues peuvent être consommées en salade : le houblon quand il est jeune, la chicorée, les asperges. Pas de cresson de puits (Brunnenkress), peu de raiponces (raves). En été, il est suggéré de mettre des fleurs et des plantes dans le vin. La concoction obtenue contribuera à purifier le sang et à réjouir la nature (und zu erfreuen die Natur). Parmi les ingrédients, la bourrache, le champignon dit langue de bœuf, la sauge, la mélisse et la marjolaine peuvent être utilisés ».
Dans le Spiegel der Artzney, Laurent Fries rapporte combien il souffrait dans son enfance, en Souabe, d’avoir dû avaler, chez le curé qui l’hébergeait, une infâme bouillie. Il se souvient que dans l’Allgäu, la Souabe, et le Thurgau, les gens mangeaient avec gourmandise de la bouillie d’avoine.  Celle-ci était si épaisse, selon Fries, qu’un cheval bien ferré pouvait passer dessus sans s’enfoncer. » Reserve cette bouillie aux chevaux préconise-t-il (Mein Rat ist du lasst die Pferd den Habern essen) ».
Dans le paragraphe consacré aux épices, Laurent Fries règle de nouveau quelques comptes avec les Colmariens qu’il traite de Knoblochfresser (mangeurs d’ail) qui sentent mauvais comme de vieux boucs (Sie stinken wie die alten Böck). Il est persuadé que l’abus d’ail les rend malade et que, tôt ou tard, ils se rendront chez le médecin. Pour ce qui concerne les épices (Specery), utiles et profitables, il cite les clous de girofle (Neglin), la fleur de muscadier ( Muscatenblomen), la noix muscade ( Muscatennus), le safran et le gingembre (Ingwer). «  N’en abusez point, ajoute-t-il à l’adresse de l’abbé d’Echternach, utilisez  les dans les proportions nécessaires pour améliorer les mets. Ajoutez, pour éveiller l’appétit, les câpres (Capperes), les olives, les citrons (Lymonen) les oranges amères (Pomeranzen). Vous pouvez aussi utiliser du vinaigre, mais pas  de trop ».

Ni lait, ni fromage

 « Les aliments à base de lait ne sont pas spécialement secourables, mais si vous ne pouvez résister, buvez du lait frais de vache ou du lait de chèvre d’un bon pâturage, situé sur une montagne (von gutter Weyd an einem Bergh). Quant au fromage, qu’on a pour habitude de manger après d’autres mets, manger du beurre cru est dommageable pour l’estomac (Butter rauw gessen ist uwer Gnaden Magen schädlich). Toutes les huiles sont dangereuses, sauf l’huile d’olive (Boumoléoum) ».
Dix ans avant, dans le Spiegel, il estimait que le lait est un aliment sain. Se référant aux anciens, il écrivait qu’il n’est rien d’autre que du sang cuit deux fois ! Tout comme l’œuf à la coque est sain car, selon Avicenne, il a la même consistance que le sang. Pour le fromage, son opinion n’a pas changé. Il le considère toujours comme un mets périmé, vieilli et puant, qui le dégoûte. Il se souvient qu’autrefois, lors d’un voyage en Suisse, un aubergiste lui avait apporté un bol plein de lait sur lequel baignait une épaisse couche de graisse. Ecœuré, Fries lui réclame autre chose. L’aubergiste particulièrement prévenant lui promet alors un repas succulent. Il prend une motte de beurre qu’il met à la broche en le saupoudrant de farine d’avoine jusqu’à ce que la motte atteigne la taille d’un seau. Fries n’y touche pas, définitivement incommodé, mais il se souvient que les autres voyageurs de l’auberge, tous des Suisses précise-t-il, se précipitèrent pour en manger… comme si c’était du saumon !

Boire du vin de préférence mais avec modération

Manger correctement, tel est bien le souci premier de la recette de Laurent Fries. La boisson qui accompagne l’alimentation n’est pas oubliée. Fries trouve au vin mille qualités : il facilite la digestion, donne des couleurs et du courage, rend joyeux, fortifie et possède des vertus diurétiques.
Pour lui, le meilleur vin vient d’Alsace, du Breisgau et du Neckar. Il déconseille par contre le vin souabe, se souvenant qu’à Ulm, sur la colline Saint-Michel, pousse un vignoble qui donne un vin si aigre qu’il vous contracte les entrailles ! ( Zu Ulm in Schwaben wechst Wein am sankt Michelsberg der ist übertrefflich sauer. Er verstopfet den Leib und zückt das Gederm zusammen).
Que l’on se méfie du vin coupé avec de l’eau. Il enivre plus rapidement que le vin pur. « Quand il est coupé, il est plus léger, plus « subtil » que l’eau. Il flotte au dessus de cette dernière, traverse plus vite la paroi des vaisseaux, pour monter au cerveau. Voilà pourquoi, le vin des tavernes enivre davantage et donne plus fréquemment des maux de tête… » Telle était sa conviction dans le Miroir de la médecine, en 1519.
Dix ans plus tard, il n’a pas vraiment changé d’avis. Il recommande à Robert de Monréal, abbé d’Echternach, de boire du vin, de préférence « un vin blanc qui n’est pas trop fort, plutôt que de la bière ou d’autres boissons. En hiver, quand il pleut, buvez un peu de vin à base de muscat, du romaney, du malvasier, mais pas de trop, et pas le soir. En été, vous pouvez boire, de temps en temps, une bière ou tout simplement de l’eau fraîche, tirée d’une source jaillissante. Quant au vin à base de plantes, du vin vieux, à base de romarin, de sauge, peut être bu mais avec modération.
Quant à l’eau, elle conserve l’humidité du corps. Elle est déconseillée aux estomacs de complexion froide. Seuls les paysans peuvent en boire car ils ont un estomac de complexion chaude. Malicieux, il cite, ce conseil d’un curé de village qui disait «  sit fons aux paysans, aqua aux oies, vinum aux gens instruits per omnia secula seculorum. » L’abbé d’Echternach ne pouvait qu’acquiescer.

Une hygiène de vie correcte

L’essentiel du régime, hier comme aujourd’hui, est d’abord alimentaire. Mais son efficacité serait bien faible s’il ne s’accompagnait d’une véritable hygiène de vie, pour utiliser un terme actuel. Fries, il y a 400 ans déjà, attirait l’attention sur les pratiques nécessaires ou souhaitables pour rester en bonne santé. Il avait insisté auprès de son abbé sur l’action bienfaisante des bains et des cures thermales. Il lui recommandait, ni plus ni moins, de s’adonner à des séances de transpiration et de massage qui ressemblent singulièrement au sauna d’aujourd’hui : Auch so wird baden gerechnet anstatt der Ubung. Darumb gut das uwer Gnaden zu Zyten nuchter gang in ein Schweissbad, switz darinen und lass dye Glider woll reiben… Sue et fais toi masser les membres ! Faisons-nous autrement aujourd’hui ?
Laurent Fries est en réalité un remarquable spécialiste des bains et des cures thermales. Il a écrit, en 1519, un traité sur les bains, intitulé Tractat der Wildbeder et imprimé chez Jean Gruninger à Strasbourg. Il y décrit les sources les plus connues dont Plombières, Baden en Suisse, Pforzheim et Gueberschwihr dont l’eau était réputée à l’époque pour soigner les ulcérations chroniques et suintantes, les impuretés de la peau. Cette eau contenait beaucoup d’alun, peu de salpêtre et de fer. Chaque site fait l’objet d’une analyse documentée. La composition de l’eau, ses propriétés curatives sont décrites.
Fries, vraiment possédé par le sujet, ne se prive pas de conseils sur la technique des bains, les préparatifs indispensables, le repos qui en découle, la diète qui l’accompagne. Sujet passionnant qui l’occupera toute sa vie ! Il reprendra son traité initial, sous le titre « Ein neu Badenfarth (Nouvel itinéraire des bains) dont il rédige la première partie, laissant à Otto Brunfels et à D. Cordi le soin d’en rédiger les deux suivantes. Il ajoutera, Ein hochnutzlicher Tratctat… un traité utile sur les qualités et les effets miraculeux de toutes les cures allemandes. Une fois de plus, il s’affirme comme un parfait spécialiste du sujet et démontre le rôle thérapeutique et social des bains au début du XVIe siècle.
Le régime proposé à l’abbé du couvent d’Echternach est parfaitement adapté à la fonction et au statut de l’intéressé. Il ne saurait convenir à un artisan ou à un laboureur. Robert de Monréal est un clerc à qui Fries suggère de s’activer physiquement. Il lui recommande de faire un peu d’exercice, en particulier le matin, soit sous la forme d’un travail manuel, soit à travers une promenade régulière. Il devra procéder de même le soir, car il apparait nettement que notre ecclésiastique passait quelques heures à table, pas moins de deux à midi !

Ventouses, purges et saignées

Fries est intarissable sur la pose des ventouses, la pratique des purges et des saignées. Le régime prescrit à Robert de Monréal y recourt abondamment. Au moment du bain, il recommande d’appliquer deux ventouses sur les épaules. « Elles préservent les hommes de beaucoup de choses » assène-t-il, sentencieux, sans préciser davantage. Dans le Spiegel, dix ans plutôt, il montrait à ses lecteurs comment les ventouses permettent de déplacer le sang d’un endroit du corps à un autre, comment elles calment la douleur et font sortir les abcès. Leur efficacité dépend, en outre, des périodes de l’année et de données astrologiques. On s’en serait douté !
Les purges, rappelle-t-il, contribuent à éliminer les excès d’humeurs. Elles sont cependant contre-indiquées pour les femmes enceintes, les vieillards et toutes les personnes souffrant d’un abcès au rectum.
Si les ventouses et les purges ne sont pas suffisantes, il est alors temps de pratiquer la saignée deux fois par an, en choisissant bien son jour en fonction … du calendrier astrologique ! Il tient, lui-même à disposition un calendrier détaillé recensant les jours de l’année où il ne faut pas pratiquer la saignée. En gros, un jour pas mois, mais pas n’importe quel jour. « Ainsi, si tu saignes un malade le 17 janvier, il mourra encore pendant l’année ou deviendra aveugle ( den sibenzehnst Tag des Ienners, so du das Blut daran lassest, so stirbest du in den selbigen Iar oder würst aber blind).
Par ailleurs, tout homme qui naît un 31 janvier, ne se décompose pas après sa mort ( Item ein Mensch der da geboren würt an den letzten Tag des Iennners, faulet nicht nach seinem Tod). On a beau être savant et reconnu comme humaniste, on ne colporte pas moins quelques inepties (à nos yeux de contemporains) ou superstitions qui nous rappellent que Laurent Fries reste, par maints aspects, un homme médiéval, un homme de son temps ! Mais il redevient bien vite médecin et pédagogue en expliquant à son interlocuteur qu’il convient de procéder aux saignées au printemps et à l’automne : « En été, les humeurs sont si liquides que la saignée emporterait les bonnes et les mauvaises humeurs ».
Tout médecin alors est aussi un fabricant de médicaments. C’est en général  de là qu’il tire l’essentiel de ses ressources. Les potions de son invention sont variées. Il les monnaye volontiers.  Comme tout médecin, Fries, parfaitement à l’aise dans la pharmacopée, classe ses produits selon leur nature : herbes, racines, graines, fleurs, fruits, métaux, pierre, sucs et dérivés d’animaux. Il s’inspire en l’occurrence de l’exemple de quelques glorieux anciens, Avicenne et Galien notamment.

Dormir la nuit et non le jour…

Dans le régime conseillé par notre médecin humaniste, le sommeil ou le repos tiennent toute leur place. Ses conseils, en la matière, sont frappés par le sceau du bon sens. Ils sont conformes aux lois de la nature : «  Ne fais pas de la nuit, le jour et du jour, la nuit » proclame-t-il. «  Ne dors pas le matin quand le soleil brille, car cela est dommageable. Si tu dois faire la sieste après les repas, fais là, assis sur un siège, les jambes et pieds dénudés. Et quand tu dors, prends soin de ne pas être couché, la tête trop haut, ne dors pas sur le dos mais de côté. Vérifie aussi que ta chambre à coucher te protège des rayons de lune… ».
Si le repos est important, il est essentiel, pour celui qui aspire à garder longtemps une bonne santé, de se préserver des excès d’humeur : de la colère, des soucis, de la tristesse et des grandes frayeurs  (Vor Zorn, grossen Sorgen, Traurichkeyt, Schrecken und derglichen Dinge ). On croit lire la page Santé de nos magazines d’aujourd’hui !
*
Que conclure ? Gardons nous d’abord de la tentation de vouloir récupérer Fries en lui trouvant quelques accents d’une singulière modernité. L’univers mental de l’homme du Moyen-Age n’est pas le nôtre. Nous avons beaucoup de mal à nous mettre à sa place.  Nous aurons beau faire, nous continuerons à porter sur lui un regard contemporain. Ces réserves posées, nous ne pouvons être qu’impressionnés par la pertinence de ses diagnostics et l’excellence de ses conseils. Il voit juste, il voit bien. Il connaît les hommes non pas parce qu’il a beaucoup lu, mais parce qu’il a davantage expérimenté et pratiqué. L’humaniste connaît ses sources ; le médecin, son métier ; l’homme, ses pairs. La nature humaine n’a pas de secret pour lui, ni son environnement. N’oublions pas qu’il est aussi géographe et astrologue.
Ce qui le caractérise encore plus, est son amour pour la vie. Et les plaisirs qui en découlent. Quand il nous parle de viande, de volaille ou de vin, ce n’est pas seulement le médecin que nous entendons, mais au moins autant le gastronome, voire l’esthète. Ce médecin, parfois grossier qui n’hésite pas à rudoyer ses contemporains, avait un goût raffiné pour l’art culinaire.
Précieux témoin de son temps, il aborde l’histoire par le petit bout de la lorgnette. Au plus près de ses concitoyens. Il nous montre que ces derniers vivaient dangereusement, même en temps de paix !  Il nous donne à voir une région opulente, riche, possédant une extrême variété de produits et de mets qui en font une terre d’abondance, un pays de cocagne, un petit paradis où il fait bon vivre, où il fait tellement bon vivre qu’on en meurt parfois.
Le médecin connaît aussi les limites de son art. Au bas de son régime à Robert de Monréal, il confesse qu’il lui a donné tout ce qu’un médecin pouvait lui donner afin qu’il puisse préserver sa santé. Mais pour le reste, c’est-à-dire l’essentiel, il s’en remet à la grâce de Dieu tout puissant, qui seul peut maintenir sa Seigneurie en bonne et constante santé (…Alleyn dye Gnad des almechtigen Gottes, welch uwer Gnaden will by uff Erden enthalten in langer und stetter Gesundheit).
Cette humilité, cette confiance en Dieu, lui font, dans une lettre datée de 1530, une de ses dernières, adresser à Dieu une prière… de le garder encore un peu en vie, une vie que manifestement il avait beaucoup aimée :
Lass mich lieber Gott, eine kurtze Zeyt noch leben…
Existe-t-il plus bel hymne à la vie ?

Bibliographie
Lina Baillet, Aspects et recherches de l’humanisme à Colmar et en Haute-Alsace in : Grandes figures de l’humanisme alsacien : courants, milieux et destins,  Strasbourg, 1978, p. 98-99
J.M. Friedrich, Laurent Fries, médecin, astrologue et géographe de la Renaissance à Colmar, Strasbourg et Metz, thèse de médecine, Strasbourg, 1980.
Georgette Krieg, notice Fries dans Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne. Bibliographie détaillée.
Alfred Pfleger, Schwänk und Schimpfreden eines Colmarer Doktors, Annuaire de Colmar, 1936 p. 96 -107.

Annexe1
Parlez-moi d’amour
Fries, nous l’avons vu, avait la nature humaine comme unique préoccupation. Rien que l’homme mais tout l’homme ! N’était-ce pas là l’objet premier de la «noble science médicale » ? Rien ne devait échapper au serviteur fidèle de la nature  (Fleissiger Nothelfer und Diener der Natur) comme aimait à se définir Fries. On trouvera donc dans le Spiegel der Artzney une tentative d’embrasser l’être humain dans sa globalité. Le médecin du corps est aussi celui de l’âme. Il ne se prive pas de conseiller son patient sur les sujets les plus intimes, dont notamment « l’acte d’amour ».
Ce dernier ne doit pas être trop fréquent. Il reste le privilège de la jeunesse et du premier âge mûr. Il n’est pas bon qu’il intervienne trop tôt. Ni trop tard d’ailleurs. Il peut provoquer quelques incidents fâcheux dont notamment … un desséchement brutal du cerveau. Ainsi, autrefois à Paris, un jeune homme couchant avec une fille se comporta de manière si véhémente qu’il en mourût. On soupçonna, bien entendu la jeune femme d’être  responsable du trépas. Les amis du malheureux l’obligèrent à raconter ce qui s’était vraiment passé. Elle confirma qu’il  était mort en plein ébat. Lorsque les médecins ouvrirent la boîte crânienne du défunt, ils ne trouvèrent plus le cerveau. La victime fut, par conséquent,  condamnée à être enterrée sous le gibet.
Fries croit-il à ces sornettes ? Il les raconte en tout cas. Peut-être les utilise-t-il pour frapper l’imagination de ses contemporains en les invitant à la modération. Le médecin est là pour conseiller et Fries n’est jamais avare de conseils, ni de moyens, tenant à la disposition de ses patients d’innombrables potions de sa fabrication. Les vierges dans un couvent, si elles ne sont pas religieuses devraient, selon lui, être mariées.  Pour leur éviter les tentations, « on leur mettra un emplâtre qui les guérira (!). Quant aux religieux et religieux, il est prêt à leur prescrire un régime et des médicaments appropriés.
A l’autre bout de l’échelle, voici le fou, celui qui est touché par la « mania », la folie furieuse. N’atteint-elle pas, en priorité,  des sujets jeunes, qui ont une vingtaine d’années ? Ceux là  ont perdu la raison, radotent, dansent, font des sauts en criant ou chantant. Parfois, ils deviennent violents et frappent leur entourage. Comment les soigner ? On les saignera au cou, on les enduira d’huile  de cheval, on leur posera des ventouses. En outre, pour les calmer, on leur accordera ce qui les attire : On leur montrera quelques jolies femmes. !
Le corps pouvait donc être un remède. Il est vrai qu’il n’y a rien de plus beau sur terre, aux yeux de Fries, qu’un corps bien proportionné : « Ist nüt edelers uff Erden under allen Creaturen, auch nit lieblichers zu schawen was den Menschen leib von rechter Proportion ist» .  Il s’agissait bien sûr d’un corps féminin. On trouve cette charmante confession dans le chapitre du Spiegel consacré aux maladies des seins.
Fries, qui n’est pas à une contradiction près, quelques pages plus loin, traitant de la mémoire, proclame avec une égale conviction, qu’il faut éviter les femmes à tout prix. Car elles conduisent à l’oubli, à la torpeur et à la folie. Virgile ne disait-il pas qu’il fallait se méfier et du vin et des femmes : «  Vénus, à la blonde chevelure, te donne du poison mélangé au miel»  (Weiber inführen Vergessenheit, Schlaffsucht und Narheit. Virgilio sagt du solst dich hüten vor Wein und Weibern. Venus mit irem gelben Har, gibt dir das Gifft mit Honig vermischt)
L’habile médecin sait fort bien que sa clientèle, réelle et potentielle, n’est pas seulement constituée de religieux et de veuves. Il n’omet donc pas de parler également des stimulants de la fonction sexuelle. Les plus efficaces sont des compositions à base de pilage de testicules de taureau, de coq et de renard, mélangées à de la cervelle de colombe.  Il dispose également d’une liste recensant toutes les huiles à utiliser pour enduire le sexe de l’homme.
Parallèlement, les modérateurs de la fonction sexuelle seront utiles à tous ceux qui sont trop portés sur l’acte. Les religieux, religieuses et veuves, qui par vocation ou dévotion ont choisi de vivre dans la chasteté, auront, eux aussi, tout intérêt à en utiliser. Sait-on jamais ! Le vinaigre camphré, le caoutchouc, les produits tels que l’agnus castus qui assèchent le sperme, le travail et l’abstinence constituent d’excellents modérateurs. La faim aussi ! Fries raconte volontiers l’histoire de ce jeune homme qui s’éprit d’une jolie femme. Cette dernière, pour le mettre à l’épreuve, l’enferma durant trois jours et le mit au pain et à l’eau. Au bout de cette période, elle lui demanda de choisir entre le lit, d’un côté, et une table bien garnie, de l’autre. Le jeune homme, une fois libéré, se précipita sur les victuailles et en oublia totalement la jeune femme.
Il arrivait parfois au médecin de douter. Il avait beau multiplier les recettes mais était-il vraiment convaincu de l’excellence de ses conseils ? Pragmatique, il gardait en réserve  l’arme absolue, si l’on peut dire, à savoir la castration… qui restait la méthode la plus sûre : « das andere Rezept ist das du dir lassest usschneiden…so bist du sicher ».

Gabriel Braeuner 2012

Article paru dans l’Annuaire de la Société d’histoire et d’Archéologie de Colmar, 2012

Ce contenu a été publié dans Portraits d'Alsaciens, Renaissance, VIIe-XVIe, avec comme mot(s)-clef(s) , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.