Maire de Colmar, de 1947 à 1977, député de 1956 à 1958 et conseiller général de 1945 à 1982, Joseph Rey (1899-1990) a marqué l’histoire de la ville et l’a définitivement fait entrer dans le XXe siècle. Lui qui avait tendance à considérer Colmar comme étant un village – a Dorf mit eme Tram- réussit à en faire une ville. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de cet homme du XIXe siècle que d’avoir ouvert sa ville à la modernité. Sous ses mandats successifs, Colmar est devenue une cité attractive et moderne. Il a contribué à son essor économique et à son expansion urbaine.
En créant la zone industrielle en 1958, il a permis à la ville de diversifier et d’enrichir son tissu industriel en la mettant à l’abri des crises conjoncturelles. L’extension de la cité vers l’ouest, bien au-delà de la ligne de chemin de fer, à partir de 1960, mit pour quelque temps un terme à la crise du logement récurrente à Colmar.
Il assura également un avenir au riche passé de la vieille cité historique par un ambitieux programme de rénovation et de restauration urbaine dont le quartier des tanneurs, achevé en 1974, fut la réalisation la plus spectaculaire. L’ouverture à l’aventure universitaire, à partir de 1968, fut réalisée sous l’impulsion du Conseil municipal qu’il présida, sans discontinuité, durant trois décennies. Une période où Colmar connut un développement sans précédent.
Joseph Rey s’était identifié à Colmar et Colmar, à son tour, lui témoigna un indéfectible attachement. Rarement maire fut aussi populaire. Rien ne destinait pourtant l’enfant du quartier ouvrier du Grillenbreit, dont les parents avaient longtemps travaillé dans l’usine textile Kiener, au fauteuil de maire. Ses activités au sein du monde associatif – il avait été durant l’entre-deux-guerres le chef d’orchestre apprécié de l’Harmonie Saint-Martin – et son courageux combat dans la résistance – qui lui valut de passer trois ans de sa vie, de 1942 à 1945,derrière les barreaux– l’avaient cependant préparé à l’engagement public.
Joseph Rey avait, au lendemain de la seconde guerre mondiale, été un artisan précoce de la réconciliation franco-allemande et un militant actif de la construction européenne. Il avait notamment créé la Communauté d’intérêt Moyenne-Alsace-Brisgau (CIMAB), pionnière de la coopération transfrontalière économique en 1964.
Ce musicien, qui avait été critique musical avant-guerre, pour le Messager d’Alsace, fut, sur le plan culturel, l’heureux inspirateur du Concours international de musique de chambre (1968) qui rapidement acquit une notoriété européenne, le père des « Jeudis au vieux Colmar » (1952) dans l’ancien cloître des Dominicains, et l’un des artisans du Festival international de musique qu’il avait confié au chef allemand Karl Münchinger à partir de 1979.
Homme de cœur, il n’avait jamais oublié ses origines modestes : il était resté l’enfant du Grillenbreit. D’où une popularité inégalable. Les Colmariens en firent D’Reya Seppi pour l’éternité. Il fut incontestablement un témoin et un acteur important d’un siècle d’histoire alsacienne dont il partagea les doutes, les certitudes, les contradictions , le courage – celui du résistant – et les avancées – L’Europe dont il fut un infatigable promoteur. Son humanité l’a rendu accessible. Il n’a pas été infaillible et n’en eut guère la prétention. Malgré ses tâtonnements, il reste l’homme de quelques fidélités essentielles : fidèle à sa famille et à son éducation, à sa ville, à sa région, à son pays : une façon d’être Alsacien, Français et Européen.
GB 2006, extrait de Braeuner (Gabriel), Lichtlé (Francis), Dictionnaire historique de Colmar, Colmar 2006.
Pour en savoir plus :
Braeuner (Gabriel), Joseph Rey, un maire pour Colmar, un Alsacien pour l’Europe, Colmar, 2001.