Laudatio Jean-Michel Rudrauf à l’Académie d’Alsace, 17 octobre 2015

Rudrauf
Ou l’histoire exemplaire d’un enracinement qui fonde une vocation. Enfant de Molsheim, un père ingénieur chez Bugatti et des grands parents, hôteliers à Klingenthal dans un manoir qui fut celui de l’intendant des forges où il passa ses fins de semaines et ses vacances. Klingenthal, à coté des châteaux d’Ottrott et d’une multitude d’autres. Le virus a frappé, c’est ici qu’est née sa passion des châteaux. La géographie donc comme premier sésame. Mais le terroir n’est rien s’il n’y avait les passeurs, ceux qui vous donnent envie de continuer, d’approfondir une passion naissante qui aurait pu s’engourdir et ne durer que le temps que durent les roses. Il y eut donc un grand père maternel, instituteur de surcroit, qui assura ce rôle de pédagogue  et lui offrit, alors qu’il avait douze ans, son premier livre sur les châteaux, celui du doyen Robert Redslob, écrit avec Jean Schmitt et Henri Ulrich « Château des Vosges : leur passé, leur état actuel, leur reconstitution par l’image (1960) », soit tout un programme et déjà les éléments d’une méthode. Et ce grand-père possédait le Mündel, du nom de Curt Mündel (1852-1906), écrivain et auteur, entre autres,  d’un guide touristique de référence sur les Vosges, Reisehandbuch für Elsass Lothringen und angrenzende Gebiete, qui connut douze rééditions entre 1888 et 1911.  Les chemins étaient désormais balisés et le jeune Jean-Michel Rudrauf, marri d’avoir dû quitter l’Alsace en 1959 pour suivre Papa, entré chez Renault dans les environs de Versailles, avait le viatique nécessaire pour assouvir sa soif de connaissance et faire découvrir les châteaux régionaux à ses parents.
Un demi-siècle plus tard, après des études à Paris VI-Jussieu et un doctorat en psychosociologie animale délivrée par l’Université Paris V-René Descartes, onze années de coopération au Maroc et en Algérie, une carrière de professeur des Sciences de la vie et de la terre au collège de Marmoutier, où il s’occupa aussi de l’option langue et culture régionale, le passionné des châteaux fort est devenu un de ses meilleurs connaisseurs.  Plus de soixante articles dans les revues spécialisées et grand public, d’innombrables notices sur les châteaux des Vosges du Nord, notamment, dans le Pfälzisches BurgenLexikon et dans Burgen in Mittel Europa, deux ouvrages sur Lichtenberg,  dont le dernier, en 2006, est un beau résumé, rien que par son titre, de la sociologie, géographie et histoire locale : Lichtenberg, un château, un stettl, un village et ses habitants. Je ne reviendrai pas sur cet excellent ouvrage, désormais de référence, qu’est Châteaux forts et fortifications médiévales d’Alsace-Dictionnaire d’histoire et d’architecture, 2013, prix de décapole, l’année dernière, coécrit avec Nicolas Mengus, dont Jean-Marie Nick fit un brillant et vibrant hommage. Mais j’insisterai sur cette démarche rigoureuse et constante, en un mot scientifique qui voit Jean-Michel Rudrauf continuer à arpenter le terrain, relever les plans des châteaux peu connus pour lesquels n’existent pas de tels documents et surtout élargir son champ d’action et donc notre vision, en général étriquée et réduite aux frontières de l’Alsace, à un ensemble plus large qui embrasse le Palatinat et de plus en plus l’ensemble du Bade Wurtemberg. Comparaison étant raison, la bonne connaissance de notre histoire ne saurait faire l’économie d’une telle démarche. Nous nous réjouissons d’accueillir Jean-Michel Rudrauf au sein de notre académie où son expérience, ses pratiques et son ouverture viendront fort utilement renforcer le dialogue déjà fécond entre nos différentes composantes des sciences, des lettres et des arts.

Gabriel Braeuner, Laudatio prononcée lors de la séance de l’Académie d’Alsace à Sélestat le 19 octobre 2015

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