« Il fut notre seul pape alsacien » : c’est ainsi que commencent la plupart des notices le concernant. Et saint de surcroit. Ce qui est lourd à porter et n’arrange rien. Cela le rangerait a priori dans les figures hagiographiques voire légendaires qu’on vénère plus qu’on ne connait. Vivant en outre aux alentours de l’an mil, ce qui est suspect. On sait que ces dates rondes suscitent comme fantasmes dans l’imaginaire des contemporains. Pourtant rien, de plus historiquement incarné que la vie de Bruno d’Eguisheim qui naquit, quand ce millénaire avait deux ans, au château de Haut-Eguisheim , près de Colmar, fils de Hugues IV comte du Nordgau et de son épouse Heilwige. A cinq ans, il quitte (déjà) l’Alsace pour aller rejoindre les terres lorraines et entrer à l’école de la cathédrale de Toul. Il y fit son chemin, ses études et sa carrière pour accéder, dès 1026, à 24 ans, au siège épiscopal de la ville lorraine. Il y exerça un ministère efficace et réforma son diocèse, s’appuyant sur les milieux monastiques de Cluny et de Gorze. Il s’y fit remarquer par l’empereur Henri III qui le désigne comme pape à Worms en décembre 1048. Bruno ne voulut cependant accepter le siège de Pierre qu’avec le consentement du peuple et du clergé romain. Ce qu’il obtint le 12 février 1049 quand il monta sur le trône pontifical, en la basilique du Latran, sous le nom de Léon IX.
Son pontificat fut bref et ne dura que cinq ans. Il n’en fut pas moins intense pour autant et parfois même décisif. Il marque un tournant dans l’histoire de la papauté et de la chrétienté en initiant un large mouvement de réforme de l’église. Léon IX par une douzaine de synodes, tenus en Allemagne, France et Italie s’attaqua à la simonie (vente et achat des charges ecclésiastiques) au mariage des prêtres, à l’intervention du pouvoir temporel dans la désignation des titulaires du pouvoir spirituel dont il avait pourtant bénéficié lui-même.
Ce pape réformateur avait la bougeotte et ne passa en cinq ans que cinq mois à Rome. Le reste du temps ,c’est à cheval qu’il entreprit ses voyages pastoraux et qu’il tint ses assises réformatrices. Il entreprit trois voyages au nord des Alpes où il n’omit jamais de passer dans sa région natale. Deux fois sûrement, une troisième fois probablement, pour y consacrer des églises et des autels à Haguenau,Strasbourg, Altdorf, Andlau, Sainte-Croix-en-Plaine, Ottmarsheim, Oelenberg, Rosheim, Traenheim, Hohenbourg et peut-être Gueberschwihr.
Pape voyageur qui savait s’entourer de belles compétences, dont le cardinal Hiltenbrand, le futur Grégoire VII (1073-1085), Léon IX s’essaya aussi à la conciliation politique et religieuse, exercice difficile qui lui fut fatal. Il s’opposa aux Normands, qui s’étaient installés en Italie méridionale en 1030, leur livra bataille, fut battu et connut l’humiliation d’un emprisonnement pénible qui le mina. En négociation avec le patriarche de Constantinople dont il pensait se rapprocher, déjà affaibli, il ne put contenir son fidèle et énergique ami lorrain le cardinal Humbert qui se fâcha avec le patriarche Michel Cérullaire et l’excommunia le 16 juillet 105 entrainant le schisme des églises d’Occident et d’Orient. « La robe sans couture » du christ était désormais déchirée et Léon IX… mort depuis à peine trois mois !
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