La sainte la plus vénérée d’Alsace est particulièrement présente à Sélestat. Elle apparaît sur les vitraux de deux de nos églises, Sainte -Foy et Saint-Georges. Une statue en pleine ville de même que le nom d’une rue lui sont consacrés. Sa vie comme sa légende s’inscrivent dans les balbutiements de l’histoire de notre province. Elle qui vécut au temps lointain des mérovingiens, n’a rien perdu de sa popularité.
Sainte Odile , patronne de l’Alsace
Elle notre sainte la plus connue. Canonisée par Léon IX, notre seul pape alsacien, qui occupa le trône pontifical de 1048 à 1054. Qui ne connaît Odile en Alsace dont elle est devenue la sainte patronne depuis … 1946 ! Présente depuis longtemps et particulièrement persévérante. En réalité, on sait très peu de choses sur sa vie. La légende ou les histoires arrangées la concernant sont plus importantes que sa biographie. Notre Alsacienne à vécu à l’époque mérovingienne. Elle est la fille du duc Etichon ou Adalric qui gouverna l’Alsace. Née vers 660, elle mourut en 720. Elle fut l’abbesse du couvent de Hohenburg que son père avait fondé. Le reste n’est que littérature ou récit hagiographique. D’ailleurs, sa vie ne fut écrite que 200 ans après sa mort. On eut le temps de l’embellir. Nous avons tous entendu parler de la noire colère de son père qui attendait de son épouse Bereswinde, un héritier mâle, quand Odile vint au monde. Quand il apprit, en outre qu’elle était aveugle, il se sentit humilié et chercha à la tuer. Sa mère réussit à préserver sa vie en l’éloignant. Elle fut élevée au monastère de Palme qu’on identifie parfois avec Baume-les-Dames. Elle recouvra la vue : Odile ne signifie-t-il pas « fille de la lumière »? Elle finit par se réconcilier avec son père qu’il lui confia son château transformé en monastère. Mais la Hohenburg était difficilement accessible aux fidèles et pèlerins. L’abbesse Odile fit construire un second établissement un peu plus loin, le monastère d’en bas, appelé « Niedermünster.»
Difficile de démêler l’écheveau de la légende de celle de l’histoire. Mais le fait est que sa mémoire fut préservée. Le Mont-Saint-Odile est connu bien au delà nos frontières. C’est un peu notre montagne sacrée, un lieu ou souffle l’esprit. Toutes les aspirations politiques, culturelles et religieuse de la province se sont focalisées sur lui. Avant Odile, le mur païen déjà. Depuis Odile, des communautés de moniales attentives à l’accueil des pèlerins et des déshérités. Aujourd’hui encore, on s’y relaie pour la laus perennis, cette prière qui jamais ne cesse. Pendant la première guerre mondiale, on publia même un texte latin apocryphe connu sous le nom de La prophétie de sainte Odile. On le réemploya durant la seconde guerre. Il avait le bon goût d’annoncer, à chaque fois, la chute de la belliqueuse Allemagne. Odile avait toujours protégé l’Alsace. Et en parfait petit soldat, elle servit encore.
Sainte Odile à Sélestat
Odile n’a pas de lien étroit avec notre ville. Elle n’en est pas moins présente. Il est vrai qu’en tant que sainte patronne de l’Alsace pour les catholiques, Sélestat fait également partie… de son diocèse. Une rue importante, une des plus longues de la ville, lui est consacrée depuis les années trente. Un axe nord-sud qui longe approximativement la ligne du chemin de fer.
Vous l’avez tous vu, au moins une fois, sur la place du Marché Vert à l’angle d’un édifice commercial. Elle semble veiller sur nous sans que nous la voyons immédiatement. Nous avons oublié de lever les yeux. Elle porte les siens sur un livre ouvert.C’est comme cela que nous la reconnaissons. C’est sa marque identitaire, son attribut de sainteté. Née aveugle, elle a retrouvé la foi par le baptême.
C’est avec les mêmes attributs qu’elle figure sur le vitrail du croisillon nord de l’église Sainte Foy. Elle se trouve à côté de saint Léon IX, celui la même qui la canonisa dans son court pontificat. Léon, en réalité Bruno d’Eguisheim qui avait été évêque de Toul et qui fut l’oncle de Hildegard de Buren, avait vécu au XIe siècle. Odile, trois siècles plutôt. Entre les lieux une belle filiation qui narre les balbutiements de l’histoire de l’église d’Alsace. Qu’ils soient réunis tous deux dans une église à Sélestat est naturel
Nous présentons par ailleurs le beau vitrail contemporain dédié à la vie de sainte Odile dans le choeur de l’église Saint-Georges. Sait-on qu’on la retrouve enfin, indirectement, à travers la mention en latin de ses parents, Adalric et Bereswinde, sur le portail officiel, rue du Sel, de l’hôtel d’Ebersmünster.
Le vitrail d’Odile
Dans le vaste choeur de l’église Saint-Georges, Odile a trouvé sa place. Tout un vitrail lui est consacré. Elle se retrouve en bonne compagnie, à coté de Notre Dame, à qui le sanctuaire autrefois fut consacré, sainte Catherine, saint Georges et saint Michel, sainte Hélène et sainte Agnès. Elle n’y figurait pas au Moyen-Age et n’est pas recensée parmi les vitraux du XVe siècle aujourd’hui conservés ( 55 panneaux sur 288). Elle est arrivée plus récemment, en même temps que Michel et Georges. Elle fait partie des petits derniers. Elle n’est cependant pas la moindre. Son géniteur, si l’on peut dire, est le grand maître-verrier Max Ingrand (1908-1969) qui restaura, après-guerre, les vitraux de la fin du Moyen Age, et remplaça les panneaux manquants par des nouveaux qui ne déparèrent pas. Au contraire, le miracle des vitraux du chœur de l’église Saint-Georges réside dans la complémentarité et l’harmonie des verrières historiques et des contemporaines. Du grand art pour tous les spécialistes. A première vue d’ailleurs, avant que le regard ne s’habitue, on a même du mal à les dissocier. C’est en 1967, que Sélestat retrouva, en quelque sorte, sa « sainte chapelle ».
La première des sept fenêtres du chœur est consacrée à la vie légendaire de sainte Odile. Quatorze panneaux narrent son extraordinaire aventure : la naissance de l’enfant aveugle, le secret de son éducation, le baptême qui la guérit de la cécité, la première réconciliation avec son père, sa charité envers les pauvres, son refus de se marier malgré les menaces de son père, son nouvel exil, sa vie errante de mendiante, sa réconciliation définitive avec son père, la fondation d’une communauté religieuse, la retraite des parents d’Odile auprès de leur fille devenue abbesse, ses oeuvres de charité, sa mort.
Le tout se déroule dans une architecture adaptée qui sert de cadre et fait se côtoyer une riche gamme de couleurs qui laissent passer la lumière et concourent ainsi à faire du chœur de l’église cette anticipation du Royaume auquel aspirent les enfants de Dieu.
Pour en savoir plus :
Marie-Thérèse Fischer, La vie de sainte Odile et les textes postérieurs, Strasbourg, Editions du signe, 2006
René Bornert, Notice Odile (sainte), Nouveau Dictionnaire de Biographie Alsacienne, p. 2893-2896.
Gabriel Braeuner, DNA Sélestat, 13 juillet 2019, Ces hommes et ces femmes qui ont fait l’histoire de Sélestat.