En toute chose, avait pour habitude de dire Albert Schweitzer, que je pratique beaucoup, n’oubliez pas le commencement qui est de dire merci. Merci à vous chers amis d’être venus nombreux pour participer à cette journée qui nous mène sur les traces d’un ordre singulier et finalement méconnu, celui des Antonins et d’un des plus grands chefs d’œuvre de l’art occidental au Moyen-Age, le retable de Matthias Grünewald dont le nom est à jamais attaché à Issenheim.
Merci ensuite, et surtout, de m’avoir convié à ce partage. Je n’ai aucune qualité pour vous parler des Antonins pour lesquels il y a d’excellents spécialistes – je pense d’abord à Elisabeth Clementz qui leur a consacré une thèse brillante, à la fin des années 90, à Adalbert Michlewski, historien allemand, qui, lui, leur a consacré sa vie de chercheur à partir des années soixante, et que j’eus la chance de croiser lors du colloque de Colmar, consacré à Grünewald en 1978, et à quelques autres, passionnés par l’histoire d’une confrérie laïque qui finit par devenir un ordre exclusivement dédié au soins des malades du fameux feu sacré, le feu Saint-Antoine qui a tant marqué les imaginations, l’esprit et surtout, parce qu’il fut une horrible épidémie, la chair de milliers de victimes durant des siècles.
Quant à ma relation au retable d’Issenheim, elle est d’abord personnelle et intime, de l’ordre de la foi plutôt que du discours et de l’analyse historique. C’est peu dire s’il a joué un rôle dans mon cheminement spirituel personnel. Je l’ai beaucoup fréquenté et le fréquente toujours. Probablement a-t-il encore beaucoup de choses à me dire. Il est loin de m’avoir révélé ses mystères et je me souhaite de vivre ce que vécut une personnalité politique que j’ai accompagné au soir de sa vie : acquiescer à son message et approcher, à défaut de le comprendre tout à fait, le divin mystère qu’il exprime.
Vous dirais-je que je ne m’étais guère préoccupé des Antonins jusque-là. J’en savais ce qu’il fallait savoir pour pouvoir témoigner de l’œuvre de Grünewald. Votre aimable commande, il y a quelques mois, par l’intermédiaire de Lucie Roux, m’a permis de combler une vraie lacune. Faire d’abord le voyage à Issenheim, ce que j’avais fait qu’une fois, jadis, et de façon fort imparfaite, et venir, à l’endroit même de leur l’histoire, m’imprégner de l’esprit des lieux et j’espère de celui de l’ordre.
Nous allons donc passer ensemble une heure à évoquer son histoire avant de visiter les vestiges de la préceptorerie sous la conduite éclairée de sœur Monique dont j’admire l’enthousiasme et les connaissances et qui, j’espère, saura me corriger fraternellement si je m’égare. Et puis, nous terminerons, le pèlerinage si j’ose dire, dans le saint des saints, dans l’écrin qui accueille aujourd’hui le retable d’Issenheim, à savoir le musée d’Unterlinden, confrontés une fois encore à la force et au rayonnement de cette œuvre magnifique, étape ultime et ô combien impressionnante autrefois des malades atteints du feu Saint-Antoine. Voilà un autre mystère que nous essayerons d’approcher.
Ma causerie n’aura pas d’autre ambition que d’essayer de vous dire l’essentiel de ce qu’il convient de savoir pour ne pas dire trop de bêtises sur les Antonins et Grünewald. Cet exercice de synthèse m’a fait grand bien, merci à vous, je vous dois d’en restituer à mon tour l’essentiel. Vous serez nourris de suffisamment d’images tout au long de la journée pour que je m’abstienne de vous en projeter. Votre attention et votre imagination combleront ce manque. Il va falloir écouter et faire confiance au verbe. Revenir à l’essentiel et ne point se laisser distraire. Comme on le faisait autrefois quand on venait écouter (et non voir) une conférence.
Un saint guérisseur et vengeur
Les Antonins, donc, qui doivent leur nom à saint Antoine, un ermite ascète soumis au tourment, qui vécut dans le désert d’Egypte au IIIe siècle et dont la vie fut écrite par un de ses concitoyens saint Athanase, un presque contemporain, évêque d’Alexandrie au IVe siècle. La légende dorée de l’incontournable frère dominicain, archevêque de Gênes, Jacques de Voragine, acheva de le populariser au XIIIe s ; l’ouvrage ayant un immense rayonnement comme on le sait sur la piété populaire et surtout sur l’inspiration des artistes. Il fallut qu’entre temps, il fut tant soit peu connu, par une translation de reliques qui intervint au XIe siècle, à la Motte-aux-Bois dans le Dauphiné vers 1070 et qu’un pèlerinage fût institué, ce qui se déroula quelques années plus tard, autour de 1095. Il passa en quelques années de saint régional en saint universel, son nom étant lié à une horrible épidémie, appelée feu saint Antoine, ce fameux ergotisme gangréneux, dont nous reparlerons rapidement pour le définir et le décrire. Contentons nous pour l’heure d’indiquer que l’évocation de son seul nom adoucissait la souffrance de la maladie à défaut de la guérir.
Restons encore un peu auprès du saint pour constater qu’à l’origine, il était d’abord un exemple, un modèle de vertu, qui s’était retiré plusieurs fois dans le désert, assailli par les forces du mal et poursuivi par … des disciples qui l’incitaient à créer une communauté, ce qu’il consentit à faire vers 305. Voilà un ermite harcelé par les démons, les siens et par une foule de malades qui déjà venaient le solliciter et l’implorer pour qu’il les guérisse. On le poursuivait encore dans sa thébaïde, autrement dit dans son désert où la belle histoire raconte qu’il y rencontra un saint ermite, plus valeureux, plus vertueux, bref plus saint que lui, Paul de Thèbes qui mourut âgé de plus de 110 ans, après avoir reçu la visite de s. Antoine qui l’ensevelit dans son manteau. Qu’importe que son existence fût parfois mise en doute, elle ne repose que sur une vie écrite par saint Jérôme, elle participe à ce merveilleux chrétien qui enchanta et parfois consola nos ancêtres. Paul n’eut jamais la notoriété d’Antoine et pour cause. Il n’était pas un saint guérisseur au contraire d’Antoine dont la popularité augmenta à la mesure de l’éclosion, ou plutôt de l’explosion de ce feu sacré, de ce feu saint Antoine qui atteint l’Europe entière.
Le culte des saints nous en dit long sur la mentalité de nos aïeux. Le saint qu’on invoque a certes sa spécialité mais son statut n’est pas figé. Le guérisseur peut rapidement devenir vengeur. C’est ce qu’il advint avec Antoine qui devint progressivement un saint vengeur maître du feu et de la maladie qu’il envoie aux pécheurs, à ce qui manquent de respect à l’ordre et à ses malades. Prenez la chronique de l’Alsacien Jakob Twinger de Koenigshoffen au début du XVe siècle, par exemple, il est question de la vengeance de Saint-Antoine, de la Sankt Anthonien Rache. Ce nouvel état influença même la peinture comme la statuaire. N’apparait-il pas sous les traits d’une divinité sévère, notamment dans la partie sculptée et centrale du retable d’Issenheim ? Antoine inspire la crainte et le respect, cela contribue à sa célébrité. S’il guérit, il est aussi susceptible de se venger. Il a tous les atouts en main. Il est un saint essentiel. Erasme dans un ses Colloques avait observé avec malice que « Pierre peut fermer la porte du ciel, Paul est armé du glaive, Barthélémy du coutelas, Guillaume de la lance et le feu sacré est à la disposition d’Antoine. »
Un feu sacré ?
Ce feu sacré est en réalité un des fléaux les plus importants du Moyen- Age. A l’égal de la peste, de la famine et des guerres, de la lèpre aussi et des terreurs de l’an mil. Un mal ardent qui s’inscrit dans la mémoire et dans les corps. A l’origine, un champignon parasite du seigle qui apparaît à la suite d’un hiver froid et sec, suivi d’un printemps chaud et humide et d’un bref été chaud. Le schéma si j’ose dire est immuable.
Pourquoi ergot parce que le champignon qui infecte le seigle a une forme d’éperon dessiné sur l’épi. Dans une nourriture principalement constituée de pain et de bouillie, on imagine les répercussions. On a faim, on meurt de faim et on meurt de consommer un pain dont la farine a été contaminée. Devant la faim, on est condamné à moudre le grain déjà malade. La farine extraite de la céréale parasitée contient des substances naturelles toxiques, des alcaloïdes, et son ingestion répétée provoque la maladie.
L’ergotisme est double : le gangréneux et le convulsif. Les premiers signes sont les fourmillements, les céphalées et les vertiges. Les vaisseaux sanguins se rétrécissent. Dans un cas, le malade souffre rapidement d’horribles sensations de brûlures, d’une perte de sensibilité aux extrémités du corps dont les membres sont nécrosés et tombent, précédant la mort par septicémie le plus souvent. Dans le second, le sujet est en proie à de spasmes, des convulsions, des vomissements, des douleurs musculaires atroces qui touchent les muscles respiratoires. Il meurt le plus souvent asphyxié. Il n’est pas rare qu’il soit victime d’hallucinations proches de celles déclenchées naguère par le LSD, un des alcaloïdes mis en évidence dans l’ergot de seigle par les chimistes Arthur Stoll et Albert Hoffmann dans la première moitié du XXe siècle.
On connait plutôt bien ce fléau aujourd’hui, dont la dernière manifestation a eu lieu à Pont Saint-Esprit en 1951. Un cas isolé qui n’a pas vraiment réveillé les antiques peurs d’autrefois. On sait le décrire. S’il fut parfois confondu avec la peste , la description qu’en firent les témoins ne laisse aucun doute. Le fameux Chroniqueur Raoul Glaber, moine de Cluny note pour l’année 994 : « A cette époque sévissait parmi les hommes un fléau terrible, à savoir un feu caché qui, lorsqu’il s’attaquait à un membre le consumait et le détachait du corps. Beaucoup furent dévorés par la brûlure de ce feu, (certains) même en l’espace d’une nuit. On trouva dans les reliques de nombreux saints le remède de cette peste terrifiante ; les foules se pressèrent surtout aux églises des trois saints confesseurs, Martin de Tours, Ulrich de Bavière, enfin, notre vénérable père Mayeul. » On le voit, avant que s.Antoine ne raflât la mise, d’autres saints furent appelés à la rescousse pour soulager les tourments.
Un siècle plus tard, en 1070, la chronique de Limoges signale ainsi le retour de l’épidémie : « Alors tomba sur les humains une peste de feu si âpre et si furieuse qu’elle brûla les corps indifféremment… Les vivants qui en étaient frappés étaient consumés jusqu’à la mort : les uns se sentaient pris aux pieds, les autre aux mains, et de ces extrémités, le mal gagnait le cœur… On jetait de l’eau sur les parties infectées pour les rafraîchir, et l’on voyait aussitôt une fumée avec des puanteurs insupportables. La fureur du mal les tourmentait au point qu’ils demandaient qu’on leur coupât, qui les bras, qui les cuisses. »
Rien qu’à lire les chroniques, on le suit à la trace, le tragique fléau. Il sévit au XIe siècle, il explose au siècle suivant. Le voilà en Belgique et en Aquitaine, en Lorraine souvent et dans le bassin parisien. On le dit en retrait au XIIIe mais on le sait présent en Espagne, en Aquitaine, dans le Poitou, à Marseille Et même à la Motte-aux-bois devenue Saint-Antoine en Dauphiné où s’arrête en 1200 l’évêque de Lincoln qui n’en revient pas. Son chapelain est sa plume. Une plume méticuleuse qui rend témoignage de ce que son maitre a vu :
Témoignage du chapelain d’Hugues d’Avallon, évêque de Lincoln ( 1186-1200), en route pour la chartreuse en 1200 qui, en chemin s’arrête à Saint-Antoine :
Leurs chairs ont été en partie brûlées, les os consumés et certains membres détachés et, malgré ces mutilations, leurs corps à moitié conservés paraissent jouïr d’une santé entière. De toutes les parties du monde, ceux qui souffrent de ce mal, le pire qui soit, accourent en cet endroit où reposent les cendres de saint Antoine… et presque tous sont guéris dans l’espace de sept jours ; si au bout de ce temps, ils ne le sont pas , ils meurent… Ce qu’il y a de plus extraordinaire dans ce miracle même, c’est qu’après l’extinction de ce feu, la peau, la chair et les membres qu’il a dévorés ne repoussent jamais. Mais, chose étonnante, les parties qu’il a épargnées restent parfaitement saines, protégées par des cicatrices si solides qu’on voit des gens de tout âge et des deux sexes privés de l’avant-bras jusqu’au coude, d’autres de tout le bras jusqu’à l’épaule, enfin d’autres encore qui ont perdu leur jambe jusqu’au genou ou la cuisse jusqu’à l’aine ou aux lombes, montrant la gaieté de ceux qui se portent le mieux. Par la puissance du saint, la solidité des membres qui leur restent compense à ce point la perte des autres que leurs viscères dénudées sont peu sensibles au froid et autres atteintes extérieures.
Document précieux, qui confirme les symptômes, décrit les effets du mal, scelle les destins et rassure en même temps : Saint Antoine n’est pas qu’un saint vengeur, il écoute les prières et soulage ceux qui l’implorent. . On ne guérit pas du mal mais on n’en meurt pas obligatoirement. On est amputé naturellement de ses membres, mais les autres restent sains. On survit à l’épreuve, il suffit de passer le cap de sept jours…Mais ici on est à la source, à la maison mère, à Saint-Antoine en Dauphiné, d’où partit l’extraordinaire aventure des Antonins.
L’ordre des Antonins
Peut être avez-vous été à Saint-Antoine en Viennois, dans l’arrondissement et le canton de Saint-Marcellin en Isère ? Le site, s’il ne remonte pas aux origines -l’imposante porte par laquelle on accède aujourd’hui date du XVIIe s.- a conservé quelque chose d’impressionnant et de noble, vestige d’un passé glorieux, d’une abbaye qui fut aussi un hôpital, un lieu de pèlerinage et surtout la maison mère d’une constellation de préceptoreries qui en 1340 comptait 640 établissements en Europe, répartis sur les routes de pèlerinages de Saint-Jacques de Compostelle, de Rome. La dernière maison fut fondée en Lituanie en 1514. A son apogée, au XVe siècle, l’ordre comptait 10 000 frères et gérait 370 hôpitaux.
Nous avons vu que depuis le 11e siècle, l’église de la Motte-aux-Bois conservait les reliques de Saint Antoine l’ermite. L’emplacement était propriété de l’abbaye bénédictine de Saint-Pierre de Montmajour qui y avait érigé un prieuré. Les Antonins, c’est d’abord une confrérie laïque qui s’occupe des pèlerins et des malades souffrant des affres de l’ergotisme. Avec une certaine efficacité relayée par les nombreux pèlerins en chemin. La confrérie finit par devenir un ordre, en 1247, grâce à Innocent III, un ordre soumis à la règle de saint Augustin. L’émancipation de l’abbaye bénédictine, on s’en doute, n’alla pas de soi, on n’abandonne pas aisément une source de revenus aussi juteuse. Les bénédictins finirent tout de même par quitter les lieux et la maison-mère des antonins devint une abbaye pleine et entière sous le pontificat de Boniface VIII en 1297.
L’ordre religieux hospitalier des chanoines réguliers de Saint-Antoine-en Viennois avait calqué ses règles de fonctionnement sur celle des ordres militaires. Extrêmement hiérarchisée et centralisée, l’organisation était divisées en circonscriptions appelées baillies. A l’intérieur de celles-ci, se trouvaient les commanderies ou préceptoreries, générales ou simples. Cette structure quasi militaire contribua au développement rapide d’un ordre qui s’étendit à toute l’Europe, à l’image de la maladie qu’il soignait. En Allemagne, il devient si populaire qu’en 1502, l’empereur Maximilien Ier lui donna le droit de prendre pour armes l’aigle impérial, avec un écusson d’or sur l’estomac de l’aigle au T d’azur. Ailleurs, ils étaient les religieux du Saint Antoine du T ou théatins, en référence au Tau, croix égyptienne en souvenir des origines de l’ermite fondateur et au moins autant et autrement plus parlant, à la béquille des malades estropiés par le feu de saint Antoine.
Ils furent longtemps les préférés des papes, qu’ils avaient eu la bonne idée de soigner, tout comme les membres de la curie. Ils furent d’excellents médecins qui pratiquèrent la chirurgie à partir de 1400. On s’empressa de renouveler régulièrement leurs innombrables privilèges pontificaux. Protégés, ils étaient également populaires, leurs quêtes annuelles auprès des paroisses étaient un moment liturgique fort où l’on organisait de grandes processions de reliques- apparemment nombreuses- de saint Antoine. Quant à leurs troupeaux, ils pouvaient vaquer en toute liberté sur le ban des communes d’Europe. Les Antonins furent probablement meilleurs médecins que gestionnaires. Leur empire finit par être rongé par l’endettement de la maison-mère, leur gouvernance par le népotisme qui vit la curie concentrer les postes importants dans l’ordre. Ce dernier consentit en vain, à de régulières réformes monastiques. Le grand schisme d’Occident, de 1378 à 1417 l’affecta profondément. De nombreuses préceptoreries firent sécession. La Réforme l’ébranla de même que les interdits du Concile de Trente. A cet époque, le mal des ardents avait fortement diminué. Eux, qui se consacraient exclusivement à cette épidémie, eurent du mal à justifier leur fonction. Le déclin était inéluctable. Les Antonins disparurent très officiellement en 1776, quand l’ordre fut intégré dans celui de Saint-Jean de Jérusalem.
Issenheim
Les Antonins sont à Issenheim de façon incontestable depuis le début du XIVe siècle quand ils achètent à l’abbaye de Murbach qui y avait des propriétés depuis le VIIIe siècle, une cour dîmière . En réalité, leur présence est plus ancienne. Une mention datant de 1284 les situe déjà. Probablement, étaient–ils présents depuis le début du XIIIe siècle. A Strasbourg, un hôpital antonin est détectable à cette période, la plus ancienne mention des Antonins à Bâle date de 1297. Les deux préceptoreries ont toujours été subordonnés à celle d’Issenheim, ce qui pourrait plaider pour une origine issenheimoise plus ancienne. Jean, dominicain de Colmar, auteur des Annales et de la chronique éponyme vers 1300 affirme qu’il y a des Antonins en Alsace vers 1200.
Nous avons cité Strasbourg, nous avons cité Bâle, que vient faire Issenheim au milieu de ces cités épiscopales en plein essor ? Comment expliquer en outre que les préceptoreries des deux villes étaient en outre dépendante de celle, générale d’Issenheim qui n’est rien d’autre qu’une ancienne possession parmi bien d’autres de Murbach qui passe au Habsbourg au XIIIe siècle. Les nobles de Huse ou Huss en seront les seigneurs au XIVe siècle avant que ceux de Schauenberg ne prennent le relais en 1460. On aurait tendance à dire que cela relève de l’histoire locale, ce qui n’explique toujours pas le choix d’Issenheim.
En réalité, les historiens formulent en l’occurrence plus d’hypothèses qu’ils n’affichent de certitudes. Ils observent d’abord que l’implantation n’est a priori pas due à un fondateur providentiel mais à une volonté délibérée de l’ordre de s’installer dans ce village non fortifié. Entre 1290 et 1312, les religieux achètent à Issenheim et dans les environs des biens immobiliers à 9 reprises dont l’aboutissement est l’acquisition en 1313 du dinghof et des biens de l’office du camerier de Murbach (Issenheim, Wattwiller, Burnhaupt et vallée de Saint-Amarin) pour 800 marcs d’argent. Cela relève d’un dessein et d’une opportunité : on profite des difficultés financières de Murbach pour se développer et devenir ici à Issenheim la plus importante seigneurie foncière du lieu.
On observera aussi qu’Issenheim, comme les établissements de Bâle et de Strasbourg, qui en relèvent, sont situés sur la vielle route romaine qui va de Mayence à Bâle, empruntée aussi bien par les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle que par ceux qui vont à Rome. Soit, mais on sait que les pèlerins avaient le choix entre plusieurs itinéraires : la route du piémont des Vosges où se trouve Issenheim, la voie médiane qui longe l’Ill, celle enfin du Rhin. Au bout du compte, y aurait-il quand même quelqu’un qui tire les ficelles et qui serait en réalité derrière cette implantation ? Elisabeth Clementz formule l’hypothèse que les Habsbourg, les véritables maîtres d’Issenheim alors, dont la puissance est grande en Alsace, pourraient être à l’origine de l’implantation des Antonins dans la localité, au début, au bas du village puis là où nous demeurons aujourd’hui. Probablement par souci d’émancipation, s’étaient-ils un peu éloignés du château de la seigneurie qui appartenait aux Habsbourg, avant d’échoir aux von Huss avec qui les relations furent souvent tendues.
Voilà ce qu’on peut dire sur les origines. A l’opposé, retenons que les Antonins restèrent à Issenheim jusqu’en 1657, date à laquelle ils furent remplacés par les chanoines de Saint-Augustin. Eux même furent affectés à la gestion du pèlerinage des Trois-Epis. Sic transit… En 1777, l’établissement est rattaché à la commanderie Saint-Jean de Soultz. Les Jésuites installèrent un noviciat en 1843 à Issenheim, et reconstruisirent, de 1853 à 1857, l’église, victime d’un incendie en 1827. Chassés par le Kulturkampf en 1872, les jésuites furent remplacés par les soeurs de Ribeauvillé, toujours présentes, en 1885.
Observons enfin qu’Issenheim dans l’organisation des antonins occupait une place importante. Elle était une préceptorerie générale à laquelle était rattachée six autres maisons : Bâle, Strasbourg, Bruchsal, Würtzbourg, Bamberg , Eiche ( dans le Thuringe) qui toutes disposaient d’un hôpital.
Le soin des malades
L’activité hospitalière ou thérapeutique caractérise les Antonins. La plupart des préceptoreries ont des hôpitaux, celui d’Issenheim est attesté au XIVe siècle. L’accueil des pèlerins qui se rendent à Saint-Antoine en Viennois, Saint-Jacques de Compostelle ou Rome accompagne naturellement cette fonction. La maison des hôtes, l’hôpital, situés de part et d’autre de la porte d’entrée pour accueillir malades et pèlerins sont séparés, sur les plans, des bâtiments conventuels proprement dit. La route, la porte, la maisons des hôtes et l’hôpital sont le domaine naturel des malades et des pèlerins qui accèdent directement à l’église par une porte pratiquée au fond de l’abside sans passer par la partie réservée aux religieux. Les voilà en présence directe du retable …
Les Antonins soignent, ils pratiquent la chirurgie aussi, amputant leurs clients de leurs membres nécrosés. Mais ils essayent d’alléger les souffrances en nourrissant d’abord correctement leurs patients. Un pain de qualité supprimera les risques de contamination. Inutile d’insister sur le rôle du pain dans le processus de guérison comme dans l’imaginaire qui entoure les antonins. (Rencontre des deux ermites, distribution de pains lors de la Saint-Antoine le 17 janvier, durant ce siècle encore quand on venait en masse à Issenheim recevoir son Toni Metschala).
Vous avez tous entendu parler du saint-vinage, ce breuvage « magique » que l’on administrait au malade au lendemain de son arrivée, mixture à base de vin trempée dans les reliques du saint ermite. Le vin ne manque pas à Issenheim, ni la relique. Il semble que l’on possédait ici une relique ayant appartenu à la tête de Saint-Antoine. Plus sérieusement, l’efficacité attribuée au saint-vinage, « cette thérapeutique d’au-delà contre un mal venu du ciel », selon un historien contemporain, s’explique par la macération de plantes aux effets anesthésiants et vasodiladateurs qui combattent la vaso-constriction consécutive à l’absorption du fameux seigle contaminé. Au pied de la scène de la rencontre des deux ermites peinte par Grünewald, on peut compter les 14 plantes médicinales utilisées pour le saint-vinage ( petit et grand plantain, véronique, pavot, gentiane, verveine sauvage, ortie blanche…). Nombre de ces plantes contiennent des principes actifs, utilisés encore en pharmacologie de nos jours. Elles ont été incontestablement bénéfiques dans le traitement de l’ergotisme, mais ce qui compte alors c’est l’acte de foi qu’il suppose, ce n’est pas la composition des plantes médicinales qui importe aux yeux du malade, mais le fait d’avoir bu un breuvage qui a été en contact direct avec les reliques du saint. Ce ne sont pas les plantes qui soulagent, c’est saint Antoine !
Plus facile d’accès, on peut la renouveler et la boire à satiété, voici l’eau de Saint-Antoine qui coule, issue de sources naturelles, à Froideval, par exemple, par le biais de deux fontaines, ou à Bâle où l’on peut s’en procurer. On sait l’importance et la profusion des sources miraculeuses au Moyen-Age : l’eau de saint Valentin soignait les épileptiques, celle de saint Hubert les morsures des chiens enragés.
Il existait enfin un baume, le baume de Saint-Antoine, à base de plantain entre autres, qu’on retrouve parmi les plantes médicinales au pied du retable, mélangée à de la graisse qui va permettre de le fixer et de le transporter Une lettre datée de 1601 nous apprend que Froideval allait le chercher à Issenheim… ce qui pourrait vouloir dire qu’on l’y fabriquait. On peut emporter le baume, on peu donc l’utiliser en se déplaçant, preuve indirecte et plausible qu’on soignait le mal à l’extérieur, et pas seulement dans les hôpitaux ; qu’on allait à la rencontre des malades, notamment lors des quêtes annuelles, muni de l’onguent salvateur.
Quand enfin la gangrène ne provoquait pas spontanément la chute d’un membre, on l’amputait. Ce sont des chirurgiens laïcs qui opéraient. Ils sont quatre en 1480 dont on a conservé les noms à Issenheim : Hans Rudy, Hans Zipfel, Thomann Firtag et Roman. A la fin du XVIe siècle, L’administrateur de la maison d’Issenheim emploie des chirurgiens venant de Soultz, de Guebwiller de Rouffach et de Colmar. Ils ont en général bonne réputation, le conseil de Colmar les appelle parfois en aide. Qui ne connait le grand chirurgien strasbourgeois Hans von Gersdorff qui opère pour les Antonins de Strasbourg, auteur en 1517 d’un ouvrage à succès, le Feldbuch der Wundtartzney,manuel de chirurgie militaire où il affirme avoir réalisé de 100 à 200 amputations au cours de sa longue carrière à l’hôpital des Antonins de Strasbourg. il décrit par le menu sa technique d’amputation et révèle comment il anesthésie ses malades en utilisant une boisson à base d’opium, de suc de morelle, de jusquiane, de mandragore, de lierre, de cigüe, de laitue dont on imprègne une éponge qu’on fait respirer au malades. Parmi les 23 gravures remarquables que contient l’ouvrage, il en est une intitulée Serratura, le sciage, qui montre un chirurgien en pleine activité. A l’arrière plan apparaît un homme amputé de l’avant bras qui porte sur son habit le Tau des Antonins.
Alors que l’hôpital du Moyen-Age ne présente pas un caractère fonctionnel comme aujourd’hui, on y soigne moins le corps que l’âme, les hôpitaux des Antonins réalisent l’inverse. Leur activité hospitalière apparait étonnement moderne et efficace.
La vie des malades
Quelques mots sur les malades. Nous en connaissons 18 pour la période allant de 1298 à 1526. Il y en eut évidemment bien davantage. Une bulle pontificale de 1452 évoque une soixantaine d’occupants du couvent dont on cerne huit à dix Antonins et de 10 à 20 malades. Ils sont rarement plus en même temps à Issenheim. Ils ne sont pas plus nombreux à Strasbourg, Bâle, Höchst ou Memmingen. Les hôpitaux des Antonins sont des petites unités médicales. On n’y soigne qu’une seule maladie : l’ergotisme !
Avant d’être admis dans l’hôpital le malade devait se soumettre à l’avis d’une commission qui statuait sur son cas. Sus aux imposteurs ! Des malades faisaient partie de la commission. L’admission faite, il était conduit devant le retable si son état de santé le permettait. Ce n’est pas tant dans l’attente d’un miracle, mais pour trouver consolation et réconfort. Il était invité, en outre devant l’impressionnant retable de jurer obéissance à l’ordre et à ses représentants. Il devait également s’engager à vivre honnêtement et pieusement.
Le patient était vêtu correctement et décemment d’un costume taillé dans une étoffe bon marché, d’une teinte convenable. Il ne portait pas de couvre-chef mais un capuchon noir. Pour les femmes, pas de parure mais un fichu blanc. Ils disposait de deux vêtements par an et portait sur le haut le tau bleu ciel, signe des Antonins, de salut ou de référence à la croix d’Egypte qui renvoyait au saint fondateur.
Sa nourriture est plutôt riche, le pain non frelaté et le vin assuré chaque jour. Sur la table, de la viande, de porc bien entendu, des rôtis et des harengs et l’observance des commandements de jeûne et d’abstinence selon le calendrier liturgique.
Car rentrer à l’hôpital, c’est rentrer dans un ordre et en partager les temps liturgiques et de prière, c’est participer à chacune des sept heures canoniales, c’est honorer les morts et fréquenter les nombreuses fondations d’anniversaires. Chanoines, convers ou malades chacun devait alors aligner 150 Pater et autant d’Ave.
On est malade certes, on est infirme le plus souvent quand on a survécu, mais on est toujours invité à travailler en fonction de ses possibilités. On rencontre des meuniers, agriculteurs, jardiniers. Jean Bertonneau précepteur de Strasbourg, qui exerce l’art de la diplomatie entre les Armagnacs, la couronne d’Autriche et la ville de Strasbourg utilise même le cellérier de sa maison, un unijambiste qui achemine à bon port ses missives dans sa jambe de bois.
Issenheim accueille femmes comme hommes même si les premières ont été exclues de la constitution de l’ordre des Antonins, créé en 1247 et resté exclusivement masculin. Mais les malades quelque soit leur sexe sont traités sur un pied d’égalité. Ce fut tout à l’honneur des Antonins d’insister régulièrement sur leur devoir d’assister tous les malades et de reconnaitre le rôle des femmes dans la qualité des soins prodigués aux pauvres malheureuses atteintes du fléau.
Si nous manquons de sources pour évaluer la durée d’hospitalisation, quelques recoupements dans les documents de l’administrateur Franz Beer à la fin du XVIe permettent d’évaluer un séjour moyen de convalescence sur place de deux à trois mois.
Le cas tardif de Caspar Heymann de Wattwiller est parfois cité : il fut amputé en mars 1631, travailla aux cuisines de l’hôpital pendant deux ans, avant de s’enfuir avec les Impériaux qu’il avait renseigné pour piller le couvent. Il vivait encore en 1640 à Bollwiller. Il avait donc survécu au minimum 9 ans à son amputation après avoir été hébergé deux ans à la préceptorerie.
Quelques noms,
L’aventure des Antonins, le destin des malades soignés, sont une aventure collective, restée anonyme le plus souvent. La rareté des sources les concernant conforte encore ce constat. Quelques noms de précepteurs nous sont un peu plus familiers sans que nous les connaissions vraiment.
Celui de Jean Bertonneau revient parfois. Cité pour la première fois en 1438, décédé en 1459, il est remarqué par la qualité de sa gestion rigoureuse après les nombreuses difficultés financières rencontrées par le couvent dans la première moitié du XVe siècle et les dissensions récurrentes avec les seigneurs d’Issenheim, les von Huss. Ce poitevin était un redoutable diplomate, fort actif pendant l’incursion des Armagnacs. Il est proche d’une demi douzaine de souverains et de princes, parmi lesquels l’empereur, les rois de France et de Sicile, les ducs Albert et Sigismond d’Autriche, le duc de Calabre et le comte palatin.
Son successeur Jean d’Orlier nous est plus connu. Il est le commanditaire du retable de Schongauer, conservé au musée d’Unterlinden et peut-être de la partie sculptée du retable d’Issenheim. Ce dauphinois, né vers 1425 a été précepteur des Antonins de Ferrare, « la première ville moderne d’Europe », selon l’historien bâlois Jakob Burckhard, dont l’université est prestigieuse. Il la quitte pour Issenheim, a priori « un trou » comparé à Ferrare, mais en réalité plus riche, plus dotée, et qui a rang de préceptorerie générale. Il en fut un gestionnaire avisé dégageant des ressources qui permirent à son successeur Guy Gers de se lancer dans une politique ambitieuse de construction et d’embellissement. Comme Jean-Baptiste, il a préparé le terrain. Il semble avoir eu des relations suivies avec Martin Schongauer et probablement nourrissaient-ils, tous deux, quelques ambitions artistiques plus importantes que celles que nous connaissons. Faut-il voir dans son immatriculation à l’université de Bâle en 1465, un simple acte symbolique d’un notable institutionnel ou bien une vraie curiosité intellectuelle, qui ne serait pas surprenante de la part de quelqu’un qui avait eu la chance de goûter aux humanités ferraroises ?
Que dire enfin de Guy Guers ou Guido Guersi dont on fait tantôt un sicilien, tantôt un dauphinois en se référant à la plus ancienne mention le concernant, datée de 1471 – il a alors 19 ans- qui le présente comme « frater Guido Guersi de Delphinato ».
En 1480, il est le sacristain de la communauté d’Issenheim, responsable de la liturgie et de l’ornementation, avant de succéder à Jean d’Orlier en 1490. Sous son préceptorat l’église fur reconstruite et embellie, le retable de Grünewald commandé et probablement réalisé. A sa mort, en 1516, la situation financière du couvent est à nouveau fragile.
En réalité, nous connaissons fort peu ce bâtisseur dispendieux. Seul le retable parle vraiment de lui et lui confère la notoriété, mais quelle notoriété.
Un écrin pour un retable !
Un dernier mot sur ce bel écrin, patiemment construit depuis XIVe soit des bâtiments d’exploitation, un hôpital, une maison d’hôtes et enfin une église qu’amorça Humbert de Priva au tournant du XIIIe et du XIVe siècle et dont nous connaissons une description élogieuse sinon dithyrambique grâce au vicaire de l’abbé général, chargé des visites de la maison de l’ordre, datée du 25 septembre 1650. Tout l’émerveille : l’argenterie et les ornements de l’église, les figures et dorures des autels, la qualité de la bibliothèque qui n’a pas d’équivalent excepté Saint-Antoine et Paris, les vitres aussi riches que celles de la sainte Chapelle à Paris, les dix autels garnis de leurs petits retables antiques, les voûtes peintes, « le chœur tout entier travaillé avec des petites figures d’une menuiserie approchant celle des Dominicains de Troyes, le grand clocher du bout de l’église qui est plus beau que le nostre de Saint-Antoine… ».
Il n’évoque pas le retable de Grünewald , probablement à l’abri alors à Thann, nous sortons de la guerre de Trente ans mais parmi les autels décrits quelque précieux témoignages subsistent au musée d’Unterlinden, dont une statue de saint Jean-Baptiste, le retable de Stauffenberg ( entre 1454 et 1460 offert par Hans Ehrard Bock von Stauffenberg, bailli de Rouffach, à son épouse Ennelin d’Oberkirch, le petit retable de jean d’Orlier peint par Schongauer où le précepteur est représenté au pied de saint Antoine, des images de sainte Catherine et de saint Laurent. N’omettons pas de signaler parmi les sculptures présentes à Issenheim , outre la partie sculptée du retable attribuée, sans certitude, à Nicolas de Haguenau, l’admirable Vierge à l’enfant, connue sous le nom de Vierge d’Issenheim, autrefois dans la collection de l’industriel Georges Spetz, aujourd’hui au Louvre
Rien n’est alors trop beau pour décorer l’église dont, nous l’avons vu, les vitraux impressionnent. Sont-ils dûs à Hans Holbein-le-vieux dont le séjour est attesté de 1517 à 1524 ou plus vraisemblablement à un certain Hans Gitschmann-le-vieux, dit de Rappolstein qui pourrait être Ribeaugoutte dans le canton de Lapoutroie ? Quant à Holbein, son long séjour à Issenheim intrigue. Il y vécut sous le préceptorat d’Antoine de Langeac, successeur de Guers. Est-il l’auteur des voûtes peintes dont parle la description de 1650 ou aspirait-il, lui aussi, à réaliser un retable peint dont il ne reste aucune trace ?
Mais revenons à l’essentiel et partageons ce constat d’Elisabeth Clementz
« Tous les travaux d’agrandissement peut-être initiés par Orlier, et en tout cas menés à bonne fin par Guers, semblent avoir tendu vers un but unique : servir d’écrin à un maître autel aux dimensions exceptionnelles -8 m en hauteur avec le couronnement, et plus de 7 m en largeur- dont la partie la plus célèbre sont les volets peints par maître Mathis ».
Nous voilà arrivés devant le retable… point d’aboutissement et point de départ. C’est une autre histoire qui commence et quelle histoire ! Pour le malade autrefois, comme pour nous, à notre modeste place, dès cette après midi à Unterlinden.
Biblio
Elisabeth Clementz, Les Antonins d’Issenheim, essor et dérive d’une vocation hospitalière, Strasbourg 1988 avec une bibliographie abondante dont notamment les ouvrages et articles nombreux de A. Michlewski.
Pantxika Béguerie-De Paepe, Magali Haas, Le retable d’Issenheim, le chef-d’oeuvre du Musée d’Unterlinden, Musée Unterlinden,Art lys, 2015
Site internet Dr Joerg Sieger, Der Isenheimer Altar und seine Botschaft qui exploite l’ouvrage de Emil Spath, Isenheim, Der Kern des Altarretabels – Die Antoniterkirche (Freiburg 1997)
Gabriel Braeuner, 11 octobre 2016, conférence donnée à la maison Saint-Michel d’Issenheim .